Il y a comme une fuite en avant du tandem Chahed-Ennahdha, qui semble aussi inédite que dangereuse.
Quoi que l'on pense de Nidaa, de son fondateur, de l'Ugtt et de l'Utica, ce sont eux, via l'accord de Carthage, qui ont installé Chahed, qui était et qui reste encore sans aucune légitimité électorale (tout comme l'était son prédécesseur Essid).
Que ce tandem, s'appuyant sur l'aide de quelques opportunistes, prenne l'initiative d'un large remaniement ministériel sans passer par la case départ de l'esprit dudit accord de Carthage, tout en appelant paradoxalement à la nécessité d'une stabilité gouvernementale, n'augure rien de bon pour la pratique constitutionnelle.
Alors que la prochaine loi de finances n'est pas encore débattue à l'ARP, il s'agit d'une grave entorse au consensus prôné jusqu'ici et pas moins d'un coup de force institutionnel, pour ne pas dire un coup d'Etat larvé.
Un verrou psychologique est en passe de sauter
C'est du pain béni pour Ennahdha, si Chahed parvient à imposer son remaniement ministériel contre la volonté de Béji Caïd Essebsi, président de la république, élu au suffrage universel direct.
Elle, qui est si allergique (pour ne pas dire hostile) au régime présidentiel et même semi-présidentiel, et qui ne jure que par le régime parlementaire, aura réussi habilement, en étant discrètement à la manœuvre derrière Chahed, à mettre sous l'éteignoir la fonction présidentielle ainsi que ses attributs.
Voire à les reléguer, pour longtemps, comme un vulgaire et négligeable appendice constitutionnel.
Voilà, le pli semble fait. Tout un verrou psychologique est en passe de sauter.
Tous ceux qui aspirent à succéder à Béji Caïd Essebsi, sont désormais prévenus : hormis quelques questions sécuritaires expédiées dans des conseils de sécurité de pure forme, ils n'auront plus que les chrysanthèmes à inaugurer…
Bravo aux artistes que sont Ennahdha et Chahed…