Paysage politique Tunisien à mi-mandat.

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Les choses sont désormais limpides, et pour Nidaa, et pour Ennahdha.
Faute que l'un ait pu prendre le dessus sur l'autre, ils vont frayer encore ensemble. En se neutralisant. Au prix d'un brouillage de leur identité et de leur cohésion.

Les Italiens, experts en arrangements politiques ont connu ça. A plusieurs reprises. Ils ont même donné un nom à cet exercice de style : le "Transformisme". A cet égard, il convient de se référer au remarquable ouvrage du diplomate et écrivain Italien Sergio Romano "Histoire de l'Italie, du Risorgimento à nos jours" (Édition Seuil, Collection Points Histoire). Laquelle pratique politique, tire son origine d'une autre appellation, le "connubio", concept emprunté au répertoire populaire et qui consiste à organiser le mariage de deux contraires.

Comment est-ce possible en politique ? Facile ! Marginaliser les forces qui se trouvent à chaque extrémité de deux blocs antagonistes et gouverner au centre. Les Italiens, disais-je, l'ont expérimenté, à l'aube de leur histoire contemporaine qui a commencé avec le début du "Risorgimento" (résurrection qui a conduit à l'unification de toutes les provinces italiennes au milieu du XIXème siècle) lorsque deux blocs idéologiques et antagonistes se faisaient face.

D'un côté, les monarchistes pour la plupart catholiques et de l'autre, les républicains pour la plupart laïcs. Et c'est ainsi que des hommes politiques tels que Agostino Depretis, Camillo Cavour, Francesco Crispi et Giovanni Giolitti ont perpétué cette pratique devenue tradition. En veillant à écarter les radicaux et jusqu'aux boutistes de chaque camp.

A peu près, un siècle plus tard, deux courants aussi irréductibles que les démocrates- chrétiens de Aldo Moro et les communistes d’Enrico Berlinguer ont aussi recouru au milieu des années 1970 au "transformisme" pour gouverner ensemble et éviter à l'Italie un sombre chapitre à son histoire déjà assez tumultueuse.

En Tunisie, on est dans ce cas de figure, évincer les B. Rimili, M. Marzouk, R. Belhaj, d'un côté et exit les H. Ellouze, S. Chourou de l'autre. Pour ne garder que ceux qui sont capables de mettre de l'eau dans leur vin idéologique. Quant à ceux qui sont conviés à cette agape et qui s'aperçoivent que le spectacle n'est plus de leur goût, ils sont mis sous l'éteignoir si besoin est (Y. Brahim gommé par S. Riahi) selon une logique d'interchangeabilité.

Alors que ceux qui sont dépourvus d'une plate - forme partisane et qui tremblent pour leur poste, ils se taisent et font le dos rond (S. Bettaieb, I. Dahmani, M. Korchid).

Aussi, pour garantir ce mécanisme, il faut un chef de gouvernement docile. Sinon, il est débarqué comme Essid. Et s'il caresse le rêve de partir seul à la conquête du pouvoir, il est illico rappelé à l'ordre (c'est sous ce prisme qu'il faut se rappeler l'injonction faite à Y. Chahed par R. Ghannouchi de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle).

Est-ce que cet échafaudage va tenir sous les coups de boutoir et grincements de dents des éconduits et marginalisés, jusqu'aux prochaines échéances électorales ?

Nul ne le sait. La seule certitude qui se dessine, c'est que nos deux adeptes du transformisme à l'italienne, que sont devenus (par hasard et nécessité) Nidaa et Ennahdha, vont devoir s'accommoder du mode de scrutin proportionnel, déjà en place, qui assure leur maintien au pouvoir.

Bien entendu, en termes plus prosaïques, c'est dans le cadre d'intérêts mutuels biens compris (répartition des postes clés de la haute et moyenne administration, multiplication des manœuvres dilatoires pour retarder la mise en œuvre du conseil supérieur de la magistrature et de la cour constitutionnelle) qu'ils vont œuvrer ensemble.

Mais fatalement dans une communauté de destin aussi. Pas l'un contre l'autre ou l'un sans l'autre. Parce qu'ils savent que c'est illusoire et que s'y essayer, risquerait d'entraîner leur disparition commune.

Alors "chi va piano, va sano e lontano" ?

A méditer …

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