Dans un contexte, où la dégradation de la classe politique se précipite de jour en jour devant le spectacle d’une majorité stérile et d'une opposition aphone, est-ce que Chahed est en capacité d’assumer la charge du gouvernement en ce moment décisif pour le destin du pays ?
Pourtant, avec sa désignation à la tête du gouvernement, beaucoup pensaient, l'heure venue, pour de nouveaux usages avec de nouveaux visages.
Mais il n’en a rien été, comme cela a été magistralement démontré suite à l’indexation de la Tunisie dans la liste du GAFI en novembre 2017, confirmée par le parlement européen la semaine passée.
Là où on s’attendait à voir, un Chef du gouvernement combatif, proclamer sa lassitude devant les mêmes beaux discours venant d’Europe, désignant la Tunisie, seule vitrine démocratique du monde Arabe qu’il convient de soutenir dans sa transition politico-économique en même temps que son black-listage, tantôt comme paradis fiscal, tantôt comme plate-forme du blanchiment d’argent, on a vu un responsable choisir le mutisme comme ligne politique.
Là où on s’attendait à apercevoir, le Chef de toutes les administrations publiques centrales et régionales, prendre la défense de l’Etat et de ses institutions, dont la Banque centrale tunisienne est l’une des plus emblématiques, on a vu à la place, un responsable pressé de se dédouaner au plus vite, en révoquant sans consultation, ni préavis, le Gouverneur d’un organisme public de première importance.
De la même manière, que l’on débarque le chef de gare d’une petite commune (je n’ai rien contre les cheminots, bien au contraire, mon grand-père en était un).
Si demain l’OTAN, venait à former un avis pointant nos lacunes tout le long de nos frontières du sud, il devrait donc virer, illico, le chef d’état-major des armées comme signe de coopération et de subordination ?
C'est ainsi qu'au lieu d’assister, à l’émergence d’un responsable politique d’un nouveau type, qui se construit, on a eu droit à la réaction d’un Matamore, pris de panique, prompt à conforter le vote (à une vingtaine de voix !!! Près) d’un parlement étranger, qui plus est, transnational !!!
Mais, au final, qu'attendre, sinon rien, d'un Chef du gouvernement qui a consenti au profit de celui qui l'a nommé, le transfert d'une partie de ses attributions ? Qui a organisé lui-même et à ses dépens, au détour d'un décret (fin 2017) sa propre "diminutio capitis" !!!
Et tandis que Trump et son Congrès s’assoient allègrement sur les résolutions de l’ONU, les unes après les autres, notre Chef du gouvernement, choisit de débarquer le plus haut responsable du secteur financier à la suite de l’adoption d’un avis qui n’est même pas normatif, émanant d’une structure parlementaire supra-nationale et sans qu’un sourcil ne se fronce !!!
Mais où sont donc passés nos donneurs de leçons locaux, chatouilleux sur les principes de souveraineté nationale ?
Si la péripétie de la semaine écoulée a montré le peu de perspicacité politique de Chahed, la semaine qui vient risque, pour lui, d’être son naufrage.
Notamment, en ce 15 février. Avec une série de questions qui doivent le tourmenter en ce moment.
Pour provoquer un tel changement à la tête de la BCT, qui passe par un vote à l’ARP, à la majorité absolue des voix, Chahed a-t-il pris le soin de ménager sa monture ? Est-t-il sûr de pouvoir réunir une majorité parlementaire suffisante, quand on sait que son gouvernement d’union nationale est désormais lesté de la plupart de ses appuis.
Ignore-t-il que le centre de gravité de celui-ci, repose plus sur le parti jadis voué aux gémonies, en l’occurrence Ennahdha (69 députés) que sur le sien, Nidaa ?
Comble de confusion, personne ne peut lui préciser sur combien de députés de sa famille politique, pourra-t-il compter jeudi prochain, tellement les entrées et sorties s'y font désormais à la petite semaine.
Aussi, devant les désistements attendus du Machrou et Afek qui lui sont maintenant hostiles (si tant est que ces deux-là sont cohérents avec leurs récentes prises de position) il va donc lui falloir un bloc Nidaa-Ennahdha, discipliné derrière lui. Mais à voir les réactions des uns et des autres, tout indique que c’est loin d’être acquis.
Normalement, il revient au parti de celui qui introduit une initiative parlementaire, et à plus forte raison, lorsqu’il dirige le gouvernement, de se démener afin d’obtenir les voix suffisantes pour imposer un vote.
Or, les députés qui composent Nidaa ne sont manifestement pas dans cet état d’esprit, tous occupés par les luttes intestines qui les déchirent, quand ce n’est pas les prochaines élections municipales qui mobilisent leur attention.
Leurs rangs sont si clairsemés, qu’il faudra s’attendre au cours de cette semaine, à un déchaînement des médias sur l’autre parti, Ennahdha, pour effectuer le « bon » vote, sur une proposition qui ne vient pas d’elle !!!
Tels sont les charmes discrets de notre vie politique locale : cogner sur le voisin pour lui imputer ses propres déboires, comme lors de la déroute électorale subie à l'occasion de la partielle en Allemagne.
C’était la faute à Ennahdha qui n’a pas fait le job nécessaire pour assurer au candidat de Nidaa le siège vacant !!!
D’autre part, si Chahed est désavoué et mis en minorité ce 15 février, tirera-t-il les conclusions qui s'imposeront à lui ? C’est à dire, renoncera-t-il à la charge qui lui a été confiée en août 2016 ?
A-t-il pensé à tout cela, lorsqu'il a sorti, sans soupeser les rapports de force, son communiqué lapidaire enjoignant au Gouverneur de la BCT de céder sa place ?