"L'éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité et, de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C'est également avec l'éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler notre monde commun ".Hannah Arendt
On accuse souvent nos jeunes de tous les torts, on leur impute des responsabilités qui ne sont pas les leurs , on s'insurge du fait qu'ils soient si fragiles, si malléables, si vulnérables et culturellement\moralement peu costauds et peu protégés contre le daechisme rampant qu'il soit de gauche ou de droite, religieux ou idéologique....Or, ce réductionnisme, ces raccourcis déculpabilisants, sont dangereux, car ils négligent ou s’efforcent maladroitement d’ooculter l’essentiel en s’attardant sur les conséquences !
Le Ben Alisme- illettrisme a façonné une école dépourvue de génie et d'intelligence, apathique, fainéante, sans vraies ressources et produisant de la médiocrité tous azimuts! Le régime a élaboré une école où l'éveil à l'esprit critique a été marginalisé, maintenu uniquement parmi une infime minorité sous contrôle dans les universités où lesdits spécialistes en sciences humaines et en philosophie sont payés pour éviter les questions essentielles avec la société.
Ce qu’on oublie trop souvent c’est que l'école est le choix d'une société se projetant dans ses buts, ses attentes, sa construction de soi et sa définition de l'homme.
Alors, oui, il faut tout changer, si un tant soit peu, nous croyons que l'homme prime les choses et les idéologies.
Notre système scolaire a été asphyxié par Mzali avant d’être trucidé par Ben Ali, il forme, hormis les quelques exceptions, une cohorte d’analphabètes et d'illettrés, linguistiquement bâtards, culturellement manchots, et scientifiquement estropiés!!!
Une majorité des enseignants est inapte à exercer ce métier alors que la minorité "compétente" table sur sa notoriété pour s'enrichir via les cours particuliers sur le dos de parents imaginant que le "bachotage" est la clé des champs. C’est pas si compliqué que ça, avec Le Blanc, Le Noir ou le Gris...on rira toujours jaune, tant qu'on n’a pas saisi l'ampleur de la catastrophe, la vraie, la seule: Mzali-Ben Ali ont "gourbifié" le système scolaire et ont favorisé l'émergence d'une corruption sibylline dont on doit avoir l'honnêteté de parler: le chantage par les cours particuliers!!!Pourquoi ne demandez-vous pas de comptes à ceux qui ont abruti vos enfants...ce chef d’œuvre est vieux quand même d'une trentaine d'années!
Trente ans qu'on vous dise que le pays va mal, que son école anoblit l'ignorance, que sa jeunesse est sans formation, sans culture, sans éducation, que ses institutions sont pourries et corrompues, que tout a été stérilisé et anesthésié au profit d' une mafiocratie abjecte et vénale.
Il est inutile de se voiler la face et de le nier, la crise de la culture que traverse notre pays est profonde. C’est un naufrage s’il en est…gare aux euphémismes rassurants, gare à la tricherie intellectuelle ! Gare aux subtilités sémantiques dont raffolent les pédants sans discernement, gare aux tartufferies grotesques de quelques pédagogues en goguette, responsables, à cause de leur servitude, de cette dérive permanente, complices, à cause de leur silence lâche et couard, de cette mise en jachère du savoir. L’enjeu est tel que toute légèreté dans le jugement et dans l’évaluation serait coupable voire criminelle !
La crise de la culture est aussi la crise de l’éducation. Il y a crise quand le sens est perdu. Il y a une crise de la culture et une crise de l’éducation quand nous avons perdu de vue la vocation de la culture et la vocation de l’éducation, quand nous ne savons plus ce que signifie un homme cultivé et que nous n’avons plus de compréhension de ce que représente un homme pleinement éduqué.
La citoyenneté n'est pas un don du ciel, elle s’acquiert au fil des combats politiques, civiques ,syndicaux…Elle nécessite de la culture, de la grande culture: philosophique, idéologique, économique, littéraire…de l'éducation (de la bonne, pas de la daube, du kitch tape-à-l’œil) , du civisme (indispensable au vivre-ensemble),un outillage qui favorise le libre -arbitre, le sens critique, l’éclosion au sein de la société de valeurs citoyennes de nature à renforcer la démocratie directe et à impliquer le citoyen dans toutes les décisions inhérentes à la vie dans la cité.
Or, la dictature analphabète a produit "la bof génération", ou encore pire, la "lol génération", une jeunesse complètement désabusée qui couine devant des images en se regardant le nombril, dans une totale indifférence vis-à-vis de ce qui est autour d’elle. Et dans cette déliquescence générale, à laquelle contribuent des institutions délabrées, minées par la corruption et hors du temps et des médias médiocres, soporifiques et inintelligents, nous continuons à parler de "citoyens" ! Non. Il faut faire la grève des mots pour arrêter de se mentir.
Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est pourquoi et comment tant de Tunisiens avertis et tant d’hommes politiques honnêtes et intègres concourent sciemment, méthodiquement, je n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine Tunisie (évitons le qualificatif verte qui révulse les belles consciences) sur l’autel de leurs haines et querelles idéologiques exacerbées. Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’Etat (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l’organisme encore sain de la jeunesse tunisienne, accentuant ses peurs, amplifiant son désarroi, neutralisant sa joie de vivre , accroissant ses angoisses, étouffant sa créativité, inhibant sa volonté de se défaire de tous ses archaïsmes, de toutes ses vieilleries miteuses, héritées d’un passé dont toute personne sensée ne doit pas s’enorgueillir, hormis les faquins, les catins et les coquins !
Normalement, ce qui doit susciter l'intérêt du peuple et occuper sa classe politique toutes tendances confondues ce sont les questions: du chômage, de l'éducation, de la santé, de la sécurité, des inégalités sociales, de la pauvreté, de la culture, du développement économique…Or, en Tunisie, les thèmes du débat et de la polémique sont: l'identité, l'islam, les suicides, les viols, les marabouts, les accoutrements des uns et des autres, les nichons, la barbe, la violence diffuse, les haines et les intolérances, les bouffonneries ineptes de tous les donneurs de leçons…que du baragouinage, que du vent, que du sensationnel à deux balles, que des cris d'orfraie pour scandaliser l'opinion et susciter sa curiosité malsaine !
Chacun y va avec son laïus, sa petite histoire croustillante, son goût immodéré pour l'exhibitionnisme infect, le voyeurisme irritant…Bref, ça suinte l'ignorance, le populisme crasse et débile, la régression morale et intellectuelle, la sournoiserie indélicate, le ragot imbécile, la rumeur mesquine, l'hypocrisie babillarde…Les êtres les plus lucides et les plus avertis suivent le courant et sombrent dans le méli-mélo, s'exposant de fait à la plus cruelle des désillusions!
Or, si le mot démocratie a un sens, si nous avons un tant soit peu de souci pour la dignité de la vie humaine, nous verrons qu'il y a une importance fondamentale à ce qu'elle soit portée par une éducation de premier ordre. Tout le reste suit ou suivra…
Abusons de la bonne culture, elle chassera tous les bonimenteurs et remplira tous les vides !