Noyer son chagrin dans la grande bleue !

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Décrire son amertume est suffocant en raison de l’impuissance que l’on ressent lorsqu’il s’agit de raconter avec des mots simples la complexité du désespoir, ce lourd fardeau indicible que supporte les épaules frêles d’une jeunesse abîmée, dévoyée, asphyxiée par un système inique et incroyablement froid et insolent !

Inutile de revenir sur les péripéties d’une tragédie qui a endeuillé une partie du peuple tunisien, oui, une partie, celle qui se sent concernée par le malheur de ses enfants, celle qui se préoccupe de leur devenir, celle qui croit que la vérité est nécessaire pour combattre cette indifférence putride dans laquelle est engoncée l’autre Tunisie, celle des nantis.

Cette vérité est certes clivante, mais elle opère comme une catharsis pour que la réflexion ne soit pas biaisée et qu’elle ne verse pas dans les clichés habituels dépourvus de compassion, dépourvus d’empathie !

La Tunisie depuis très longtemps est gouvernée par trois grands vices : le mensonge, la corruption et l’égoïsme social, trois tares endémiques qui ont renforcé chez les uns la conviction d’être « intouchables » et chez les autres la certitude d’être « infréquentables ».

Il n’existe pas une Tunisie, mais des Tunisie, comme, probablement, il n’existe pas un peuple tunisien mais des peuples Tunisiens ! La Tunisie d’en-haut ignore la Tunisie d’en-bas, elle ne la regarde même pas, enfermée dans sa bulle sociale, s’identifiant plus aux fastes occidentaux qu’aux réalités douloureuses locales, s’inscrivant dans une culture où prévalent le faux, le toc, le kitch, l’exhibitionnisme outrancier, laid, narcissique et mesquin de riches parvenus se délectant de leur indigence intellectuelle et de cette opulence obscène qu’ils affichent au mépris de cette solidarité sociale si indispensable pour empêcher les fractures et les divisions.

L’autre Tunisie vit à la lisière de ce luxe étalé comme une injure à leur indigence, à l’orée de ce bagou exubérant d’une mondanité superfétatoire et attentatoire à leur angoisse réprimée et refoulée, elle est calfeutrée dans sa misère, isolée dans ce ghetto délabré où naissent et meurent les rêves d’un lendemain meilleur, emmitouflée dans ce linceul noir d’un désespoir ignoble hérité de génération en génération est vécu comme un opprobre, une malédiction, un péché à expier.

Ce destin goguenard a été féroce avec eux, cruel puisqu’il leur a ôté l’illusion du bonheur, les enfonçant chaque jour un peu plus dans les abysses effroyables de « l’inutilité »…Quand tout est vain, l’atrocité d’une existence terne, insipide, foisonnante, dense en épisodes tragiques n’épouvante plus, la vie et la mort s’équivalent jusqu’à neutraliser l’estime de soi utile pour défier les contrariétés d’un sort peu reluisant !

Le plus étonnant c’est d’entendre quelques harpies des médias tunisiens, polémistes dévergondés et illusionnistes maladroits, dénigrer « ces damnés de la terre » et les accuser d’indolence, de fainéantise, de paresse, d’oisiveté alors que leur désir légitime d’accéder à une vie digne dont ils sont exonérés dans leur pays, à un bien-être dont ils sont dispensés dans leur pays, les a conduit à la mort !

Troublante cette absence totale de compassion, troublante cette myopie qui se réjouit de sa propre bassesse au moment où des familles sinistrées pleurent leurs disparus.

S’enhardir à prouver que l’Etat n’y est pour rien, que l’injustice sociale n’y est pour rien, que tout au plus, c’est une fatalité est la preuve, si besoin est, du déclin moral et de l’effondrement des valeurs dont les nervis de cette bourgeoisie mafieuse sont les colifichets ambulants !

La houle de la mer qui a englouti les cadavres de ces jeunes trahis par l’imposture d’un pays qui ne leur offre qu’insensibilité et dédain et par l’imposture d’une Révolution qui n’a fait qu’accroitre leur haine et leur ressentiment, se transformera tôt ou tard en tsunami ravageur moins clément qu’un printemps faussement annonciateur de lendemains qui chantent.

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