Elections législatives italiennes : l'Italie ingouvernable !

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La débâcle des partis traditionnels italiens, ceux issus de la Démocratie Chrétienne et les héritiers du parti communiste ainsi que la montée en puissance des partis populistes a consacré l'ingouvernabilité de l'Italie étant donné que les deux grandes coalitions traditionnelles sont incapables de former une majorité parlementaire.

Ce que nous retenons , c'est le triomphe d'un parti atypique, le mouvement cinq étoiles, parti dont la création est récente, à peine cinq ans, et qui a réussi a raflé la mise et à s'imposer comme le premier parti politique en Italie, grâce au vote protestataire qui a sanctionné les vieux partis dont notamment le parti démocrate qui sort humilié de ce scrutin.

Atypique, parce que ce parti n'a aucune identité idéologique et personne ne lui reconnait un ancrage social ou régional précis, bien que sa percée soit spectaculaire dans le sud de l’Italie où pratiquement il a réussi à faire le plein des voix, au détriment de Forza Italia de Berlusconi et du Parti Démocrate, c'est un parti anti-establishment, qui en surfant sur la colère des Italiens et sur leur méfiance d'une classe politique gangrenée par la corruption, l'incompétence et l'inertie, a mis en place une dynamique de protestation intelligente dont il recueille aujourd'hui les résultats.

Chômage, crise économique, immigration sauvage, clientélisme, mafia, corruption ont été les thèmes qui lui ont permis d'infliger une défaite historique à la droite comme à la gauche.

Viola Calofaro en parle en ces termes : « Dans tout le pays il y a eu des expériences qui ont été atomisées, enfermées sur elles mêmes, souvent même avec des langages incompréhensibles pour le reste de société. En face de cela, une grande vague antipolitique est arrivée, représentée par le Mouvement Cinq Étoiles qui soutenait que ceux qui faisaient de la politique étaient tous des « mascalzoni » et des voleurs et que tous les hommes politiques sont égaux. Il faut dire qu’ils ont obtenu un grand succès en disant de telles choses parce qu’ils se fondaient évidemment sur quelques vérités.

Cette vague antipolitique a su canaliser une grande partie de ce désaccord qui dans d’autres nations européennes, comme en Espagne, ou en France, en revanche a trouvé une sortie avec beaucoup plus de propositions et plus fructueuse du point de vue de la croissance de la gauche. Podemos et Mélenchon sont un exemple de cela.

En Italie, cela n’est pas arrivé. Probablement aussi à cause de ces vices que nous avons détectés, et un peu à cause du rôle du Mouvement Cinq Étoiles. Nous voulons recommencer à attirer beaucoup de ces personnes qui votent ou ont voté le M5E, même en se sentant de gauche, parce qu’ils ne se reconnaissaient dans aucune autre organisation partisane et alors ont choisi un vote de protestation. »

Le problème, c’est que le M5E ne peut pas gouverner le pays, faute de majorité absolue et en l'absence d'un accord peu probable avec les autres partis politiques.

Ce séisme politique signifie d'abord le déclin inexorable des partis idéologiques et l'émergence de nouvelles pratiques politiques, certes populistes, mais efficaces.

La gauche se meurt....

Les résultats du scrutin résonnent comme un écho aux élections françaises, allemandes....confirmant le déclin inexorable de la vieille gauche issue des partis communistes et staliniens.

La débâcle est telle qu'elle suscite de nombreuses réflexions quant à l'inadéquation de cette gauche figée et périmée avec les nouveaux défis sociaux-économiques auxquelles sont confrontées les sociétés européennes.

La désagrégation de la gauche et la perte de consensus et de reconnaissance sont des facteurs qui ont accéléré l’effondrement du Parti Démocrate dont le score (19% des suffrages exprimés) très modeste est le pire réalisé par le parti communiste italien depuis sa création.

Au-delà des scissions récentes qui ont affaibli le Parti de Matteo Renzi, il existe une sorte de défiance envers un parti « bureaucratisé et embourgeoisé » qui ne sait plus parler aux classes populaires d’autant plus que celles-ci sont frappées de plein fouet par la crise économique et ses répercussions néfastes sur l’emploi et le développement des régions du « Mezzogiorno ».

Le revers cuisant essuyé par la gauche italienne, très marqué dans le sud de la péninsule, s’explique notamment par la défection des électeurs traditionnellement de gauche, en effet, les classes les plus exposées à la pauvreté et les plus vulnérables ont choisi le vote de protestation, on estime que plus de 20% des électeurs du Parti Démocrate ont voté soit pour le M5E au sud soit pour la « Lega » au nord.

Ce choix n’est pas aussi incongru qu’on le pense, puisque ce phénomène semble s’accentuer en Europe où les partis populistes recueillent de plus en plus l’adhésion des classes populaires, très sensibles à leurs discours souverainistes et anti-européens

Il va sans dire que terrorisme, immigration et insécurité ont servi de leviers aux partis populistes, engendrant ainsi un sentiment d’hostilité de plus en plus diffus envers les populations immigrées surtout celles d’origine maghrébine.

La gauche s’est trouvée désarmée face à la propagation de cette démagogie aux relents racistes si bien que sa campagne électorale en fut considérablement affectée et presque détournée des thèmes qui auraient intéressé les italiens.

Un discours incompréhensible, anachronique et inadapté

Les besoins et exigences ne sont plus identiques à ceux du siècle dernier, si bien que les réponses des vieux partis ne correspondent plus aux attentes des électeurs séduits de plus en plus par un argumentaire populiste qui tient compte de leurs craintes, de leurs phobies, de leurs appréhensions et de leur mépris des pratiques politiques fondées sur la corruption, le clientélisme, la mauvaise gouvernance....

Ce vote n'est plus un simple vote-sanction, c'est une tendance profonde qui traduit le rejet de la politique politicienne, vénale et opportuniste au profit d'une politique de proximité, citoyenne et œuvrant pour le bien-être du citoyen-contribuable.

De nouvelles formes d'engagement qui sont en dissonance avec le militantisme d'antan et qui combattent "les professionnels de la politique" ou "la partitocratie" en vue de façonner une nouvelle démocratie citoyenne qui ne soit pas l'apanage des vieux caciques et apparatchiks, largement discrédités....

Le mouvement cinq étoiles qui vient de remporter les élections italiennes en est la parfaite illustration: sans aucun appui institutionnel et médiatique, sans ressources, il s'est appuyé sur les technologies modernes et notamment le web pour développer son réseau et le renforcer au fil des années, c'est un fait inédit: un parti virtuel qui a réussi la gageure de rassembler des millions de personnes anonymes autour de valeurs citoyennes défiant l'oligarchie et ses relais financiers et médiatiques...Le défi est gagné....

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