Tunisie : Du toupet des corrompus et du discrédit de la politique

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Même avec une bonne dose de niaiserie, à moins qu’elle ne soit létale, le plus myope des chroniqueurs politiques peut s’apercevoir que le gouvernement Chahed est un leurre auquel ont consenti les forces politiques qui composaient l’ancienne coalition ayant soutenu Essid , outre à la centrale syndicale, au patronat, à El Joumhouri et à Al Massar, ces deux derniers, par ailleurs, ont rejoint à la dernière minute l’équipe gouvernementale après s’être désistés et bien qu’ils n’aient ni un impact quelconque sur la rue tunisienne ni une représentativité parlementaire quelque peu décente !

Ce gouvernement issu de la volonté de Béji Caïd Essebsi présente, à l’image de son chef, les mêmes insuffisances que celui qui l’a précédé : Absence de programme, absence de vision économique à même de faire face à tous les défis que notre pays est censé affronter en 2017 et qui seront sans doute décisifs en matière de solvabilité de l’Etat et de sa capacité à répondre à toutes les urgences avec célérité, disponibilité, efficacité et rigueur…sans passer par la case austérité et par ses retombées socio-économiques forcément néfastes…

Or, si de nobles intentions existent, elles s’enliseront irrémédiablement dans la gadoue d’un Etat devenu pléthorique et presque monstrueux, faible, impuissant, bureaucratique, sclérosé , rongé par la corruption, le népotisme, le clientélisme, la paresse, la fainéantise, le mépris du travail, la vénalité de cadres et de fonctionnaires fortement soumis à des pratiques mafieuses, certes décriées, mais jamais combattues…La déliquescence de l’Etat et son affaissement progressif s’expliquent d’une part par la mainmise de la Mafia et de ses relais politiques sur ses rouages et par l’ascendant que la centrale syndicale a pris sur un Etat aux abois et dont la capacité de négocier s’est considérablement amenuisée depuis la Révolution…entre-autres, et cela n’est guère paradoxal, faute de despote et d’un régime tyrannique !

Pourquoi le gouvernement Chahed est-il un leurre ???

Car il n’est pas issu des urnes et n’a pas la légitimité des suffrages, sinon comment expliquer la présence en son sein de ministres dont les partis respectifs valent leur pesant de cacahuètes et n’ont aucune influence sur la vie parlementaire !!!

Vous me direz « gouvernement d’union nationale », je vous rétorquerai volontiers « gouvernement du Président de la République », en l’occurrence, un Président dont la culture politique est incompatible avec la démocratie et tout à fait inadaptée à l’esprit et à la lettre de la nouvelle Constitution tunisienne à l’égard de laquelle il manifeste, par ailleurs, une indifférence royale ou plutôt beylicale.

Chahed est un compromis, un mauvais arrangement, entre Mohamed Ghannouchi, le factotum de Ben Ali et son homme de peine, et Essid, commis de l’Etat dissipé, obéissant, discipliné mais peu malléable et assez rigide au goût d’un Président, persuadé d’être l’héritier de Bourguiba et son prolongement naturel, en dépit de ses nombreuses trahisons et infidélités au « leader massimo ».

La proximité de Chahed par rapport au Président profitera à ce dernier et à son entourage et fera en sorte que sa docilité s’accentuera au fil des jours au point que le gouvernement sera dirigé à partir de Carthage et que ses velléités « indépendantistes » s’estomperont au contact de ce pouvoir envahissant qu’incarne Caïd Essebsi, bien que constitutionnellement… il en soit dépourvu !

Il est indéniable que l’éviction d’Essid répond à ce besoin impérieux du Président de contrôler l’exécutif afin d’en orienter le programme et l’action, de même, l’intention est de disposer d’un droit de regard suffisamment ample pour contrer d’éventuelles cabales initiées par les dissidents de Nidaa rassemblés autour de Marzouk ou par des partis politiques contraints à l’association mais peu enclins à servir de faire-valoir aux caprices du prince et à ses dérives présidentialistes, je pense notamment à Ennahdha dont le poids électoral et l’humeur changeante de ses militants ne l’autoriseront pas à un état de soumission durable ou à une espèce de sainte béatitude peu recommandable quand le vis-à-vis maitrise l’art de la roublardise et de la diversion.

Le même scepticisme est affiché par l’UGTT dont la bénédiction à ce gouvernement est assortie de conditions dont la plupart nécessiteront des compromis douloureux peu envisageables à la veille du congrès électif de la centrale syndicale.

L’accalmie actuelle volera en éclats dès les premières mesures impopulaires auxquelles sera contraint ce gouvernement et qui ne recevront pas l’assentiment de l’UGTT ou du moins de ceux qui briguent des sièges au sein du futur bureau exécutif, or, une confrontation probable au cours de cet hiver qui s’annonce chaud, entre Chahed et l’UGTT , sonnera le tocsin de ce gouvernement, peu costaud pour jouer aux durs avec Abassi…d’autant plus que ce dernier en est conscient et que son arrogance coutumière sera décuplée en cas de crise majeure ! Ce qui se passe actuellement à Gafsa n’est qu’un avertissement sans frais à Chahed !

La marge de manœuvre de ce gouvernement est extrêmement réduite et elle se rétrécira davantage si Chahed devient l’otage du Président et si d’aventure il en devient l’ombre et la marionnette !

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