Quand deux droites parallèles se rejoignent…

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Nous ne reviendrons pas sur les causes qui ont contribué à rendre leurs relations houleuses, orageuses et marquées par des haines féroces et des dissensions profondes.

Néanmoins, force est de constater que là où il y a ouverture, disponibilité au dialogue et volonté de surmonter les vieilles querelles idéologiques, ailleurs, le son de cloche est différent puisque le Front Populaire (coalition de 20 partis), bien que son identité idéologique soit confuse, ambigüe et à certains égards paradoxale (Marxistes, baathistes, nationalistes, nassériens…), demeure intransigeant sur la question islamiste et s’oppose à toute pacification de ses rapports avec Ennahdha, à laquelle il impute en outre la responsabilité politique et morale de l’assassinat de deux de ses leaders à savoir Belaïd Et Brahmi.

Béji Caïd Essebsi a longtemps alimenté ce conflit, se rangeant du côté du Front Populaire avec lequel il scella une alliance stratégique afin d’affaiblir la troïka, de mettre en question la légitimité de son pouvoir et de pousser vers un arrangement politique dont sera issu le gouvernement des technocrates.

Ce « consensus » en appellera d’autres mais cette fois-ci plus douloureux pour le Front Populaire, qui, en dépit de son soutien à la fois étrange, puéril et maladroit au candidat à la magistrature suprême, Béji Caïd Essebsi, se fit gentiment mais fermement écarter du gouvernement car l’arithmétique n’a pas d’état d’âme et consacra un rapprochement entre Nidaa Tounès et Ennahdha ponctué par la formation du gouvernement Essid.

L’habileté politique de Caïd Essebsi et sa roublardise légendaire eurent raison des inimitiés sur lesquelles il fonda (en bon démagogue) sa campagne électorale, il céda à son opportunisme de destourien pourvu qu’Ennahdha et une partie de ses électeurs le conduisent aux portes du palais de Carthage.

Une fois Président, il n’aura plus cure des humeurs de ses partenaires d’hier : trahis, cocufiés et abandonnés au profit de celui qu’il n’a eu de cesse de diaboliser, avec une constance ahurissante…Rached Channouchi…

Personne n'était dupe hormis les farfelus, les peu utiles et ceux qui ont une difficulté à comprendre les arcanes de la realpolitik, celle qui ne se réfugie pas dans les crispations idéologiques et dans les fantasmes identitaires…mais qui par la voie du compromis cherche l'apaisement en lieu et place des soliloques putschistes et des haines recuites.

En politique, ceux qui ne changent pas en temps opportun sont soit des idéalistes, soit des romantiques soit des fascistes , il y a d’une part le dogmatisme mortifère de ceux, qui crispés comme des huîtres sur leur idéologie anachronique, risquent de connaître le sort des dinosaures, faute d'intelligence politique et d'une lecture objective des grands bouleversements qui affectent le monde, et puis, d’autre part, il y a ceux, en l’occurrence plus pragmatiques, qui ont compris que leur survie politique dépend de leur faculté à s'adapter rapidement à une conjoncture socio-économique qui ne supporte plus les slogans démagogiques d'antan.

Ce qui est ma foi paradoxal, c’est que les tenants d'un modernisme édulcoré et hypocrite regardent dans le rétroviseur, fouillent dans les vestiges du bourguibisme et conservent la même vision hégémonique et archaïque du pouvoir, paternaliste et patriarcale, castratrice et inhibitrice.

L'histoire ne peut s'attarder sur le détail désuet et passéiste, l'avenir incontestablement, appartiendra à ceux qui ont une réponse aux défis actuels.

Les deux vieux ont eu le temps de traverser les déserts les moins hospitaliers et de s'acclimater l'un à l'exil, l’autre à l'oubli.

Ils auraient pu céder aux détestations hystériques et conduire le pays à la guerre civile et à sa dislocation ….ils ont eu la sagesse ou l’opportunisme de ne pas suivre la voie bien perverse de l'affrontement.

Aujourd’hui, le Xème congrès d’Ennahdha entérine et cautionne la réconciliation entre islamistes modérés et Destouriens et ces « épousailles » assumées par les deux leaders engendreront méfiance, suspicion, cabales et rebellions, car, la base militante des deux partis et surtout parmi les jeunes d’Ennahdha, semble rétive à cette entente « scélérate » d’autant plus qu’elle est incompréhensible aux yeux de ceux qui ont pâti de la cruauté de l’ancien régime.

Les intentions affichées seront-elles traduites en actes concrets???Le jugement ne doit pas être bâti sur des raccourcis démagogiques, mais sur ce qui est nécessaire et utile aux tunisiens, à tous les Tunisiens, parce qu'il n'existe pas de tunisiens qui soient plus Tunisiens que d'autres.

Ni Béji Caïd Essebsi ni Rached Ghannouchi ne dicteront leurs choix aux Tunisiens, si ces choix ne correspondent pas aux attentes des Tunisiens et s’ils n’épousent pas les revendications légitimes des classes sociales et des régions marginalisées.


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