Béji Caïd Essebsi et l’alibi Ennahdha

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A l’approche d’une échéance électorale importante, en l’occurrence les élections municipales prévues en décembre 2017, le vieux magicien, plus que jamais fébrile et apeuré par les résultats de ce scrutin, d’autant plus que le parti qu’il avait créé pour affronter« l’ogre » nahdhaoui est dans un état de décomposition avancé malgré le recrutement massif d’anciens nervis du régime de Ben Ali, nous sort de son chapeau usé le lapin « Ennahdha » en vue de séduire cet « électorat moderniste » et de se présenter comme l’ultime rempart contre l’invasion « barbare et obscurantiste ».

Il est vrai que la situation critique de son parti politique, la mainmise de son fils sur ce qu’il considère comme un legs dont il est le seul et unique héritier, son bilan à la tête de la présidence de la République plutôt terne et sans relief ainsi que les résultats catastrophiques obtenus par trois gouvernements successifs dirigés par des personnes qu’il avait désignées et dont les performances dérisoires amplifièrent le mécontentement populaire et accrurent la méfiance envers la classe politique entière, ont contribué à sa baisse de popularité au sein d’un électorat, majoritairement féminin et bourgeois, qui, faute de maturité politique, était acquis à son « charisme providentiel » et croyait, en toute bonne foi, que Béji Caïd Essebsi était la réincarnation de feu Bourguiba dont il devait être le prolongement naturel !

Or, ce reflet falot du bourguisme, cet ersatz défiant toute concurrence en matière d’imposture, ne sut contrôler l’avidité et l’appétit grandissant de ses courtisans si bien que les nombreuses rivalités se muèrent en animosités féroces ce dont profita Hafedh Caïd Essebsi pour chasser de Nidaa Tounès tous ceux, qui, fatalement, s’opposèrent à son joug et à sa volonté de succéder à son père à la tête d’un parti sans programme, ni vision ni stratégie, une espèce de bricolage médiatico-politico-financier rassemblant des survivants du RCD décapité, quelques progressistes séduits par l’idée d’en découdre avec Ennahdha, de vieilles rosses du syndicalisme mauve et les opportunistes-carriéristes de toujours.

Les renforts issus de la garde prétorienne de l’ancienne dictature n’aidèrent point Nidaa à décoller dans les intentions de vote, bien au contraire, ils éloignèrent de ce parti les vestiges de la gauche benalienne qui avait au début coopérer avec Essebsi en vue d’éradiquer les islamistes et de reproduire en Tunisie le scénario égyptien.

Ils allèrent chercher fortune ailleurs et ne cachèrent point leur mépris envers un Président qui avait renié tous ses engagements électoraux en s’acoquinant avec l’adversaire de toujours, car là où le vieux voyait pragmatisme et contraintes, ils y percevaient compromissions et trahisons.

Esseulé, Essebsi multiplia les prouesses et les promesses pour rallier à sa cause et à celle de son fils ceux et celles qui l’avaient abandonné : la question de l’héritage, le mariage d’une tunisienne avec un non-musulman, la loi scélérate de la réconciliation économique, l’amendement de la Constitution en vue d’accroitre le pouvoir du Président et in fine, dans une interview récente, ses regrets quant à cette alliance politique avec Ennahdha qu’il croyait, selon ses dires, pouvoir convertir à ses dogmes !

Nous y sommes donc, la vieille antienne de l’islam politique refait surface, rengaine dont il a usé et abusé afin de gruger des électeurs et électrices convaincus que Essebsi allait dresser les potences pour débarrasser « leur Tunisie » d’un million de leurs concitoyens, soupçonnés d’être des suppôts de Ghannouchi …

Essebsi n’ignore pas qu’il existe une Tunisie fasciste, dont l’aigreur et l’hostilité vis-à-vis d’Ennahdha ne sont que l’expression de leur soutien indéfectible à une tyrannie abjecte dont ils étaient les complices et les cerbères.

Ceux-là expriment la même haine envers tous ceux qui ont combattu le despotisme illettré de Ben Ali et ont été pendant 23 ans les piliers de son système bureaucratico-mafieux !

Leur fascisme ordinaire traduit en réalité leur vénalité et leur corruption morale, deux vices qui ne peuvent prospérer que sous une dictature c’est pourquoi ils sont extrêmement sensibles à tout discours qui rapatrie manu militari l’autoritarisme d’antan, conscients qu’ils sont qu’une bonne démocratie entrave leurs turpitudes et empêchent leurs bassesses de se déployer.

Si Essebsi agite de nouveau le spectre « nahdhaoui » c’est parce qu’il imagine, à tort ou à raison, que « les idiots utiles »sont légion et qu’à la veille d’élections cruciales, le thème du « danger islamiste » va galvaniser les troupes et rassembler autour de lui « ces proies faciles » que sont les « indigents du ciboulot » et les islamophobes invétérés.

Son bilan étant incontestablement cataclysmique, il joue la carte de la diversion, espérant ainsi sauver un quinquennat où ses déboires furent plus nombreux que ses triomphes…et Pyrrhus n’y est pour rien dans cette bérézina !

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