Qui se préoccupe de la Tunisie ?

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Nous vivons depuis sept ans au rythme des querelles de clocher si bien que la polémique est en passe de devenir un art dans lequel excelle les Tunisiens toutes tendances confondues. Ce n’est pas que la controverse soit mauvaise en soi mais pratiquée à outrance avec le zèle des malintentionnés et l’opportunisme des bonimenteurs, elle se transforme en épée de Damoclès, en lame de fond qui risque de tout emporter sur son passage et de précipiter le pays dans les noirs abimes de la discorde.

Ce qui inquiète le plus c’est la propension d’une grande partie des Tunisiens à s’étriper et à se vouer aux gémonies comme si le lien social s’était délité au point de rendre le vivre-ensemble improbable voire impossible.

Il va de soi que l’effervescence postrévolutionnaire et le climat de libertés qu’elle a engendré après soixante ans d’une dictature féroce et mafieuse, ont contribué à la mise en branle d’une agitation sociale sans précédent, qui, en dépit de son caractère constant et parfois violent, s’est confinée jusque là dans la protestation pacifique, cependant les eaux demeurent bouillonnantes et l’impression c’est que le maelström peut à tout moment déboucher sur des contestations sociales d’une plus grande ampleur.

Des espoirs déçus naissent les grandes frustrations, qui, finissent par attiser les haines les plus sordides et par interrompre le processus de régénération d’une société aux prises avec le legs novembriste dont elle n’a pas réussi à se défaire malgré sa résistance épique aux assauts incessants d’une mafia locale de plus en plus entreprenante et de moins en moins apeurée car persuadée de contrôler de larges pans de la classe politique tunisienne ainsi que la plupart des médias qui sont à ses ordres.

Cette mafia s’est incrustée dans les replis de l’Etat, elle est intriquée dans le tissu social et étroitement liée à d’autres phénomènes sociaux. Elle multiplie les infractions et se protège d’une part par la corruption et d’autre part par l’enrôlement massif d’hommes politiques, de syndicalistes, de journalistes, d’avocats et de juges véreux, qui, une fois placés sous sa coupe, favorisent son expansion et par la même sa capacité à exercer une influence considérable sur l’Etat et la société.

Quel bilan en matière de lutte contre la corruption????

On nous dit que la mafia locale cherche à abattre Youssef Chahed et que sa pression est telle que, sans un vaste soutien populaire, ce gouvernement tombera…

Ce n'est pas que je sois sceptique et que de telles affirmations corroborées certes par l'agressivité de ses adversaires, me laissent indifférent, mais, s'il y a eu lutte contre la corruption, ses résultats seraient visibles et se répercuteraient sur les finances désastrées du pays …

Mais force est de constater, qu'en dehors des effets d'annonce et de l'affaire Jarraya qui risque de connaître un triste épilogue pour le gouvernement au vu des rebondissements récents, cette lutte demeure un vœu pieux, elle est bien fantomatique en dépit des mécanismes législatifs mis en place pour en accélérer la cadence. Elle est à l'image de ce Chawki Tabib qui dénonce, dénonce et s'apitoie comme un bon curé sur son impuissance.

Pourtant, ce combat si nécessaire et si décisif pour la survie de l'Etat, ne semble emballer ni le gouvernement, ni les partis politiques qui le composent, ni l'opposition ni l'UGTT ni la justice dont l'indépendance est désormais un mirage.

Ce n'est pas un alibi pour dédouaner Chahed et son gouvernement, mais en raison de l'inexistence d'une volonté politique et populaire inébranlable pour affronter la mafia, ses nervis, ses médias et sa clientèle politique et syndicale, il n'est pas du tout envisageable d'amorcer une quelconque sortie de crise, le naufrage moral d'une société ne peut conduire qu'à sa dislocation.

Nous avons hélas une génération qui est rétive à tout changement, à toute reconstruction d'un État délabré, esquinté, en ruines, confisqué par une administration vénale, incompétente, médiocre et fainéante parce que le produit d'un clientélisme effarant et par une mafia dont les nombreuses ramifications rappellent l'Italie des Andreotti, Craxi et leurs alliés de cosa nostra.

En Italie, il a fallu le courage, l’audace et l'intransigeance de juges incorruptibles pour que le système s'effondre et entraîne dans sa chute toute une classe politique aux ordres de la mafia, en Tunisie, nous n'avons pas de personnes suffisamment intègres pour aller débusquer les margoulins, d'autant plus, et je le note chaque jour, que ces marlous ont leurs relais sur Facebook, leurs pages sponsorisées et leurs mercenaires, ceux qui propagent chaque jour mensonges et intox....

Le sursaut moral d'une nation nécessite des valeurs, or, celles-ci, dans notre société, sont foulées aux pieds par cette génération justement et les générations auxquelles elle a transmis ses valeurs de pacotille....C'est triste!

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