‘’La Tunisie subit une désindustrialisation, les entrepreneurs se sont transformés en commerçants. Ils ont délaissé les activités industrielles pour s’adonner simplement à l’importation de ‘’prêt-à-porter’’, et ils sont loin de se qualifier d’Entrepreneurs’’. Telle est l’opinion dominante depuis les dix dernières années, dont je ne vois pas vraiment de pertinence. En fait, nul ne peut décider à la place de l’investisseur ni porter un jugement de valeur sur ses décisions car il est programmé sur la profitabilité et la gestion des risques tels qu’il les conçoit.
En revanche, l’entrepreneur Telnet, semble être Schumpétérien puisqu’il aurait fait le départ d’une ‘’Idée nouvelle’’, et puis il l’a concrétisée dans un équipement ‘’nouveau’’ et enfin il l’a rendue une marchandise, tout en courant le risque durant tout ce processus.
Certes, il ne s’agit pas d’un re-déclenchement de la ‘’Guerre des Etoiles’’ à la Reagan dont le fond fut l’avancée et le positionnement technologiques lors de la guerre froide, ni d’une création inédite et d’une innovation à couper le souffle ;mais la société moderne depuis le début du XVIe a prouvé qu'il s'agira de l'expansion géographique la plus étendue de l'histoire de l'humanité, transcendant les frontières nationales de toutes sortes, et qu’elle empruntera le sentier le plus rapide du progrès technologique, jamais connu par les sociétés antérieures.
Depuis, des révolutions industrielles périodiques se sont succédé en changeant de manière stratifiée le mode de vie des populations à travers le monde. A cet égard, l’accès au progrès humains n’est jusqu’alors pas généralisé pour plusieurs raisons (monopole de l’innovation à la Schumpeter, mobilité de la division internationale du travail, divergence des dotations initiales et des sentiers de croissance à travers les pays, …), et les sentiers de croissance dans le monde se sont avérés divergents.
Cependant, cette divergence entre ‘’Leaders’’ et ‘’Suiveurs’’ ne semble pas être le destin irréversible des nations technologiquement arriérées dans un monde si vaste, mais à distances de plus en plus réduites par les progrès technologiques. En effet, l’intérêt particulier des économistes du dernier quart de ce siècle ainsi que des décideurs avertis, dédié aux activités innovantes a redonné l’espoir aux pays à faibles revenus et à position de ‘’Suiveurs’’ sinon de simples consommateurs de l’output de la technologie d’évoluer plus rapidement que les ‘’Leaders’’ puisque :
(1) la diffusion de la connaissance comble ‘’ le Gap technologique’’ et
(2) le taux (de diffusion de la connaissance) est le principal déterminant de la vitesse de convergence des nations en termes de revenu par tête (Romer, 94), et donc de bien-être.
La diffusion de la connaissance due à un propre investissement dans le capital humain (R&D), adoption de la technologie incorporée dans les biens d’équipement importés, apprentissage sur le tas, mobilité des travailleurs qualifiés à travers le monde, etc… autant de canaux de transmission de la connaissance sont envisageables pour les pays en retard de développent technologique dont la Tunisie, par rapport à la frontière technologique internationale.
Mais, durant les quinze dernières années, les activités à forte intensité de connaissance technologique ont vu une expansion remarquable telles que les ICT contribuent à hauteur de 7.5% du PIB, avec plus de 2120 entreprises privées et 219 centres de services partagés, et 8 centres de développement servant des multinationales (selon l’INS). Cette expansion est le résultat certes d’un seuil minimum de capital humain compétitif (salaire des ingénieurs et coûts relatifs bas, et productivité croissance) capable d’accéder à la technologie étrangère et l’investir, de saisir une partie du process technologique de toute la chaine délocalisée, mais aussi de dénouer le paradoxe de Lucas (90) expliquant que les IDE ne se dirigent plutôt pas vers les pays pauvres.
Par ailleurs, la diversité des procédures technologiques disponibles dans le monde, dont certaines sont encore monopolisées et à prix très élevé, et d’autres sont moins coûteuses et plus abordables, permet aux pays dotés d’un seuil minimum de capital humain de pouvoir en bénéficier et même y contribuer. Tel aurait été le cas de Telnet.
La prise en compte de l’investissement dans le capital humain et de ses externalités positives ont permis de repenser la dynamique des chaines des valeurs internationales et le positionnement des pays en retard de développement technologique. Bref, il ne devrait plus s’agir de se spécialiser dans la production de biens dont le pays est doté d’avantages comparatifs offerts par la nature (dotations factorielles relatives), mais il s’agit désormais de créer ses propres avantages selon ses stratégies industrielles.
C’est pour cette raison qu’en Tunisie la spécialisation dans le textile des zones ‘’non-industri(elles)alisées’’, les dattes d’El-Djérid, les oranges et agrumes du Cap-bon et l’huile d’olive su Sahel et du Nord-ouest, ne permet pas une position dominante (Nœuds) dans les chaines de valeurs mondiales. Ils augmentent le PIB mais pas nécessairement sa croissance. Il faudrait quitter ses sentiers battus si nous voulions assurer un sentier de développement durable sur fond d’une dynamique d’accumulation de la connaissance, et seulement de la connaissance dans un monde de plus en plus ouvert.
Dans ce contexte, le lancement d’un satellite tunisien à forte dose relative de connaissance, indépendamment de ses caractéristiques techniques collationnées au niveau technologique mondial, permettant d’accroitre notre classement mondial en Complexité et donc notre compétitivité, est un brin d’optimisme n’ayant été possible qu’à travers l’opportunité d’emprunter une variante des sentiers d’accumulation de la technologie largement identifiée dans la littérature (Arrow (66), Shell (65), Lucas (88), Romer (86-90)).
Ce sentier, une fois emprunté de manière entretenue mais généralisé à travers une stratégie industrielle, fera entrer l’économie dans une dynamique auto-entretenue de production et de reproduction de plus en plus élargie et productive non seulement de connaissances nouvelles mais aussi d’outils technologiques nouveaux.
A cet égard, pour que le ‘’Challenge One’’ ne soit pas la seule hirondelle qui ne fait pas le printemps, il faudrait au moins :
Une réforme/refonte du système actuel d’offre de compétences (Education, Enseignement et Formation professionnelle) dans la perspective des normes internationales. En fait, il faudrait juste une dizaine d’années pour produire un spécialiste d’envergure internationale de 26 ans que ce soit en Mathématiques, Physiques, Informatique, Economie ou tout autre domaine nécessaire au développent et au rattrapage international, laissant entière la question de faire perdre le temps à des générations, en en faisant de potentiels illettrés standards en Informatique, en Anglais et en méthodologie, non employables dans les futurs métiers.
Une intervention systémique du secteur public à travers le large spectre de mesures envisagées par l’Economie Industrielle, à commencer par l’installation de plateformes industrielles à usages multiples, en passant par la structuration d’un secteur dit ‘’Technologique’’, jusqu’à la règlementation, incitations et respect des droits de propriété intellectuelle, ainsi qu’aux règles de rémunération…