Avant une dizaine d’années, nous parlions des conditions d’une ‘’Transition Lisse’’, ‘’Rapide’’ et ‘’à ‘’moindres coûts sociaux’’. Cependant, on parle présentement des risques imminents de renversement du processus de la transition.
Sans perte de généralités et indépendamment des origines et types des transitions, la période si riche événements allant de 1800 jusqu’à 2007, reproduite et analysée par S. Huntington montre que parmi environ 1700 expériences de transitions dans le monde, 3.5% seulement ont réussi à passer à une démocratie soutenue, 2.75% ont subi un renversement vers l’autocratie, et le reste des cas ont gardé le statu-quo si ce n’était un état d’instabilité et ou de fragilités institutionnelles et économiques.
D’abord, le ‘’Temps Transitionnel’’ est au moins événementiel, car pouvant être un ‘’Temps Socio-historique’’ selon l’ampleur et la profondeur du changement. Il ne se mesure pas par le ‘’Temps mécanique’’ (nombre d’années moyen, comme certains l’admettent) qui ne permet pas d’en déduire un repère universel.
Il est en fait complexe et multidimensionnel, mais il est synthétisé par un composite des forces résistantes au changement et d’autres allant de l’avant.
L’antagonisme est essentiellement autour de la rente : alors que les anciens ont déjà investi lors de l'ancien régime beaucoup d’effort dans l’instauration d’un système dont ils bénéficiaient et qui les protégeaient, la vocation des ‘’nouveaux’’ est de les évincer et les priver de ces privilèges.
Les expressions de cet antagonisme sont multiples, dont principalement la mobilisation :
(1) des institutions et des projets de lois,
(2) de l’argent que ce soit par les transferts sociaux ou la corruption,
(3) des médias, par les stratégies-Com ou le sophisme et/ou l’aplatissement du discours, et
(4) de nouveaux groupes de pression alliés.
Alors que les premiers se limitent à ces quatre champs d’exercice de leur stratégie, les seconds ont en plus le fardeau de la gestion des affaires publiques, et surtout l’obligation de résultat. C’est pour cela que les premiers n’ont rien à perdre, alors que les seconds risquent gros.
Ce jeu à épisodes répétitifs en Tunisie semble même éroder la raison d’être des seconds pour déplacer le registre de l’antagonisme vers plusieurs plans secondaires, essentiellement politiques et d’opportunisme de court terme, et d'idéologie révolue.
Ainsi, les mêmes mécanismes de l’élargissement des disparités sociales et régionales, de la fragilité économique et institutionnelle ainsi que de la corruption sont maintenus au moment où les partis et les voix démocrates auto-proclamés ne cessent de décevoir, puisque placés en dehors de l’expérience internationale et la littérature académique réfutant tout recours aux anciens acteurs de l’ancien régime, programmés sur l’ancienne clef de répartition de la rente et la culture y afférente, et prônant un minimum de consensus au sein de la classe politique..
Le soupçon de conflit d’intérêt
Le rapport technique sur le soupçon de conflit d’intérêt s'est limité à la qualité des procédures ayant été adoptées, comparées à celles prévues par le ''Cahier des charges'' et la ''loi en vigueur''. Il débouche sur une situation de conflit d’intérêt.
Maintenant, ''il n'aurait pas dû être publié avant de recevoir les réponses et les explications de parties concernées'', ou ''il comporte des incohérences et des erreurs'‘, … tout cela c'est de la revue de la littérature et un bruit blanc jusqu'au verdict des autorités judiciaires.
Mais, indépendamment de tout, et malgré la déception brisant l’enthousiasme des tunisiens et le déficit de confiance profond à l'égard de certains Politiques et surtout de l'Institution, accusée par cette affaire de denier public et son traitement politique primaire, je crois que les tunisiens devraient en tirer les leçons nécessaires :
1. La justification et la défense inconditionnelles d'un Politique par un Politique du même front dans un soupçon de malversation ou de conflit d’intérêt avéré sont a priori biaisées et intentionnées, donc non-crédibles. Dans ce cas ce sont les partisans et sympathisants qui en paient les pots cassés.
2. Le cas de ''FF-Gate'', serait une illustration de ce qui est convenu d'appeler dans la littérature ''L'alliance entre l'Elite Politique et le Capital'' dont les pays en développement sont les plus à en souffrir depuis des décennies.
Cette alliance est d'autant plus explicite que le régime est autocratique, et implicite procédurale et ''juridiste'' plat que le régime est démocratique et la conscience collective est embryonnaire.
Il s'agit en fait d'assujettir les Institutions de l'Etat aux conditions de l'expansion du capital et sa profitabilité en faveur des chercheurs de la rente.
La captation de l'Etat serait dans ce cas le mécanisme optimal pour ce faire. Elle oriente les richesses du pays vers un groupe particulier et des secteurs précis, entrave le développement et établit une injustice et une inégalité sociale.
3. En temps de transition, les guéguerres politiciennes et partisanes à objectifs d’évincer l'adversaire est synonyme d'une inconscience de l’intérêt du pays car c'est une menace à tout processus de démocratisation et du développement économique et social.