Pour la haute responsabilité économique portant affaires publiques, la compétence n’est pas seulement la modélisation théorique compliquée, ni les méthodes statistiques et économétriques appropriées aux phénomènes traités, ni des diplômes des meilleures universités dans le monde. Tout ceci est nécessaire renforçant le background de la personne en question en lui offrant une ouverture du compas intellectuel et une capacité à synthétiser rapidement des situations désordonnées, mais n’est nullement suffisant.
L’autre dimension de la compétence comporte non-seulement l’adéquation du profil de la personne en question avec la nature particulière de la mission considérée et les circonstances socio-politiques courantes, des expériences préalables réussies, mais surtout son appropriation d’un projet de société de telle sorte qu’il soit à même à canaliser ses pensées et ses efforts vers les finalités de ce projet.
L’expérience récente a montré que certains hauts diplômés que ce soit de Los Angeles University, de Paris I ou II, n’ont pas volé haut (dans le discours annoncé et dans les mesures de politiques économiques qu’ils ont mises en œuvre et dont ils sont directement responsables) et n’ont d’ailleurs rien ajouté à la situation économique initiale.
En fait, pour certains, je suis toujours dans l’attente de leurs propres projets dans la position qu’ils (ont) occupent (és) jusqu’à présent. Cela suppose en fait une force de caractère, celui du ‘’Project Manager’’, voire du Leader, et une croyance en ce pays et ses potentialités mais aussi une adhésion à un processus de changements structurels sur fond d’innovations et d’idées nouvelles.
Par ailleurs, comme établi par la littérature de la Sociologie Politique de la Transition, jamais une transition n'a réussi avec les acteurs avérés de l’ancien régime. L’expérience portugaise en serait un cas d’école où la nouvelle classe politique a annoncé d’emblée qu’elle ferait de son mieux, et qu’elle échouera et se remettra jusqu’à ce que le pays se maintienne et se mette sur les rails.
Ceci n’est pas adressé à des personnes particulières, mais il concerne tout un héritage d’une culture d’inféodation à une hiérarchie du pouvoir, ancrée dans la conscience d’appartenance de classes, privilégiant le renforcement du régime autocratique sans une perspective participative.
En ce sens, les mesures de stabilisation de juillet 1986 ont certes été efficaces puisque ses objectifs macro-économiques ont été réalisés, mais le crédit n’était pas surement celui d’Ismail Khelil, Ministre des finances à l’époque. C’était plutôt celui de la force matérielle des autorités (sous le contrôle de Ben Ali alors Ministre de l’Intérieur), qui ne permettait pas la protestation contre l’augmentation de la taxe, le gel des salaires dans la fonction publique, la dévaluation du dinar de 20% et les mesures commerciales protectionnistes.
Idem pour les prétendus exploits de la BCT durant la décennie 2000 manœuvrant avec un régime de change fixé sur un panier de monnaies étrangères dont les pondérations n’ont jamais été publiées, creusant ainsi un fossé entre le ‘’régime de jure’’ et celui ‘’de facto’’, et dans un contexte de répression financière (c’est-à dire, la fermeture du compte-capital et donc le peu d’effet de l’instabilité des marchés financiers internationaux sur le marché local, comme c’était le cas de la crise de 2007 ayant fait à l’époque la propagande surmédiatisée du discours officiel).
Et pour se limiter à une autre illustration de ce qui est convenu de considérer ‘’compétences’’, il suffit de voir l’aboutissement de leurs choix de développement économique et social, renforçant les mécanismes de la recherche de la rente et le copinage, qui a été soldé par une généralisation du mécontentement populaire un certain 14 janvier.
Evidemment, ceci n’innocente point la nouvelle classe politique durant les dix dernières années qui a – elle aussi– raté l’occasion de hisser un sentier de développement digne des aspirations de la population surtout jeune, au profit de stratégies politiciennes court-termistes et de guéguerres interminables ayant laissé la porte grande ouverte aux revenants factuellement incompétents, conjuguant toujours leurs verbes dans le passé…