Je viens de visualiser sur YouTube une intervention d’un invité (ou chroniqueur) à une chaine de radio locale portant sur le taux de change du $ en termes d’€ le plus élevé depuis 20 ans. Cependant, avec tout le respect dû à l’auteur de ses propos, certains ont suscité mon intérêt pour y apporter des éclairages supplémentaires.
1- D’abord, dire qu’une monnaie est ‘’restée là où elle est’’, et une autre monnaie a augmenté’’ [“Ce n’est pas le Dinar qui a baissé, mais c’est le $ qui a augmenté”. (Fin de citation)], n’a pas bcp de sens, car : le taux de change est par excellence un prix relatif et non absolu. Les marchandises (monnaies) échangées sont elles-mêmes étalons de mesures dans les échanges.
Ceci est vérifié depuis l’ère de l’économie du troc où chaque bien disponible pouvait assurer pleinement les missions fondamentales de la monnaie (étalon de mesure, unité de compte, d’échange, et réserve de valeur). Cependant, comme relaté par l’excellent H. Denis dans son ‘’Histoire de la pensée. Origines et Développement’’, les sociétés humaines, en passant – dans leurs transactions- par des têtes de tortue, des queues de poisson, du sel, jusqu’à la monnaie métallique, en passant aussi par ‘’les perles venant du pays où il ne pleut pas’’, ont emprunté une voie d’apprentissage graduel vers la sélection du meilleur ‘’objet’’ assurant le mieux les missions ci-dessus, jusqu’à la monnaie-papier. Et puis, on a assisté à l’avènement de monnaies à support électronique et enfin la cyber-monnaie. Toutefois, dans aucune de ces étapes, la valeur de la monnaie n’était figée, car elle n’a pas une existence en soi. Plutôt pour soi.
2- Ensuite, dire que l’évolution du $ a ‘’détruit les autres monnaies’’ à travers la politique des taux hauts menée par la Fed, et que l’Europe a peiné depuis des années à défendre l’€ face au $, manque aussi de sens. En fait, ceci n’est envisageable que lorsque les déterminants réels du taux de change n’ont hypothétiquement aucun effet sur son évolution.
L’auteur du propos s’est limité au ‘’Carry Trade’’, sans le dire explicitement, dont les effets sont fondamentalement cycliques et non permanents, en omettant que l’économie européenne est la première victime de la guerre en Ukraine en matière de dépréciation intrinsèque de sa monnaie face à la hausse des prix de l’Energie et ses conséquences sur les autres composantes de l’économie. Ceci s’ajoute bien entendue à l’effet du Carry-Trade.
3- En plus, Dire que les pays du Golfe - et je fais abstraction de sa citation du cas de la BCT car il n’est approprié- ont réagi dans le même sens que les augmentations du taux de l’intérêt de la Fed pour protéger leurs monnaies n’est pas exact. Indeed, toutes les monnaies des pays que l’auteur a cités, [Qatar, Kuweit, KSA, etc.] sont totalement ancrées sur le $, et donc ils sont dans une parfaite couverture du risque de change dans les conditions particulières actuelles.
Par ailleurs, les réactions de leurs Banques Centrales respectives en rehaussant les taux de l’intérêt, visaient à empêcher la fuite des capitaux de portefeuille de long terme. La compréhension de cette couverture contre ce risque passerait nécessairement par ‘’La Parité du Taux de l’intérêt’’ dans le contexte d’un régime de change flexible et une flexibilité “parfaite” des flux des capitaux… là aussi, l’auteur de ces propos n’en fait aucune allusion.
4- Dire que la BCT augmente le taux directeur pour maitriser l’inflation, alors qu’au début l’invité a annoncé des parts plus ou moins précises de la structure de l’inflation en Tunisie (70% importée et 30% locale), est une contradiction évidente. (Je m’arrête-la).
5- Considérer enfin que la politique des taux hauts cible la maîtrise de l’inflation au même titre que toutes banques centrales dans le monde, est une généralisation fortuite qui requiert des développements. En fait, le fossé entre l’objectif annoncé et celui réellement poursuivi par les banques centrales depuis l’année du Covid demanderait peut-être des années pour en dévoiler les limites.