La stagflation que nous vivons actuellement rappelle- pour plusieurs - celle des années 70’s. Cependant, cela ne permet pas de prévoir que les hausses récentes des prix soient nécessairement plus perturbatrices que celles des années 1970’s. En effet,
(I) L'évolution récente des marchés des produits de base diffère de celle des années 70’s à plusieurs égards.
(1) Les crises des années 1970 se sont concentrées sur le marché pétrolier, dont les prix ont plus que doublé en l'espace d'un mois, alors que les récentes hausses des prix du pétrole ont été comparativement modestes (augmentation d’environ 50 % depuis le milieu de 2021).
(2) Mais alors que les prix du pétrole ont jusqu'à présent moins augmenté que pendant les crises des années 1970, une gamme plus large de produits de base a connu des augmentations: l'énergie non pétrolière, engrais et métaux ont tous fortement augmenté en 2021, pour se situer bien au-dessus de leurs niveaux d'avant la pandémie. Les augmentations des prix du gaz naturel en Europe, ont presque quadruplé entre la mi-2021 et début-2022, et augmenté huit fois par rapport aux niveaux d'avant la pandémie.
(3) En revanche, les perturbations de l'approvisionnement en matières premières ont joué un rôle moins important dans les hausses récentes des prix que dans les années 70’s.
(II) La production mondiale de pétrole a chuté d'environ 5 % en 1973 (et encore moins en 79), et la baisse de la consommation de pétrole a été encore plus importante, d'environ 8 %. En revanche, la hausse des prix des produits de base en 2021 s'est accompagnée d'une modeste augmentation de la production, mais pas du pétrole. Cela dit, les ruptures d'approvisionnement pourraient s'intensifier au cours de l'année à venir. La guerre en Ukraine réduira la production mondiale de matières premières agricoles (blé, maïs, engrais).
(III) Outre les différences de comportement sur les marchés des matières premières, plusieurs raisons de penser que l'épisode actuel pourrait se dérouler différemment de ceux des années 1970. La hausse des prix de l'énergie, en particulier, pourrait avoir moins d'incidence sur la croissance aujourd'hui que par le passé.
L'intensité énergétique du PIB – la quantité d'énergie nécessaire pour produire une quantité donnée de biens et services – a diminué d'environ 40 % depuis la fin des années 70. Cela reflète en partie un déplacement de la consommation d'énergie du pétrole vers d'autres combustibles, comme le gaz, dont les prix ont également augmenté, en plus du progrès technologique, rarement pris en compte dans les comparaisons temporelles. Même pour le gaz, la consommation totale par unité de PIB est plus faible aujourd'hui qu'à la fin des années 70’s.
(IV) Bien que l'inflation mondiale ait fortement augmenté depuis le début de 2021, cela fait suite à plusieurs années de faible inflation. En revanche, la crise de 1973 s'est déroulée dans un contexte de plusieurs années d'augmentation constante de l'inflation mondiale et de signes de ‘’désencrage’’ des anticipations d'inflation.
L'environnement de forte inflation des années 70 a peut-être contribué aux importantes retombées de la hausse des prix du pétrole sur les prix d'autres biens et services, à l’encontre des conséquences des récentes hausses des prix des produits de base qui dépendront plus de la réaction des décideurs.
La crise de 1973 a suivi de près l'effondrement du régime de change dirigé de Bretton Woods. À cette époque, les objectifs et même les instruments de la politique monétaire étaient mal définis dans de nombreux pays. En revanche, les banques centrales disposent aujourd'hui de cadres institutionnels beaucoup plus robustes. Lors de la crise de 79, les taux d'intérêt réels étaient plus stables face à la hausse des prix du pétrole, puis ont finalement augmenté sensiblement lorsque les banques centrales ont cherché à maîtriser l'inflation.
La conduite de la politique budgétaire, quant à elle, sera également importante. Dans les pays émergents, de nombreux gouvernements ont cherché à amortir le coup porté aux revenus par la crise pétrolière de 1973 par des mesures budgétaires expansionnistes. L'augmentation de la demande globale qui en a résulté a aggravé les pressions inflationnistes, alors que le contexte de la crise actuelle est assez différent : pour des déficits budgétaires devant se contracter dans la plupart des pays, les gouvernements retirent les mesures de relance déployées au plus fort de la pandémie de Covid-19.
Cela dit, un certain nombre de gouvernements ont annoncé des réductions d'impôts ou des subventions accrues en réponse aux récentes hausses des prix des produits de base, comme cela s'est produit après la crise pétrolière de 1973.