1- Il serait inutile d'appréhender la situation seulement en termes de finances publiques et autour de l’équilibre financier du seul agent économique, à savoir l’Etat. Cette erreur méthodologique a dominé l’approche et le discours officiel en Tunisie depuis des années, pourtant certains intervenants officiels se proclamaient être guidés par l’Economique.
2- Employer correctement les concepts économiques, car la Tunisie n'est pas une ile isolée du reste du monde et de ses spécialistes. Ainsi, ''Economie d'endettement'' ne veut pas dire un ‘’surendettement’’, mais veut dire simplement que ''ce sont les crédits qui font les dépôts'' puisque le marché financier est exigu.
Une ''dette non-soutenable'' ne veut pas dire que le taux d’endettement a atteint une barre arbitraire, ou le taux de l’intérêt a depassé le taux de croissance, mais aussi quand le déficit public l’emporte sur le taux de déficit dit “soutenable’’ qu’il faudrait calculer, avec la mention que c’est du taux de ‘’l’intérêt naturel’’ qu’il s’agit et non ce que l’on observe.
3- On ne commence jamais un programme de sauvetage par les solutions, car quel qu’en soit la pertinence, elles seraient à portée limitée voire à contre-effets. Puisque la situation est sous-optimale, une priorisation des objectifs s’impose à l’évidence. Par ailleurs, on ne peut pas raisonner en dehors d’un référentiel théorique si simple soit-il, sinon on ira dans tous les sens sans s’en rendre compte.
4- l’Economique a offert une méthode de catégorisation des problèmes. A cet effet, on ne passe pas des problèmes des établissements publics au climat des affaires, et puis à l’investissement, en évoquant la politique monétaire au passage, et en suggérant la compétitivité de la Tunisie et ses relations avec la Lybie, choisie donc de manière arbitraire ! Il faudrait choisir un problème structurel ou un secteur, et puis en déduire les autres qui en dépendent pour aller dans une deuxième étape aux solutions (à distinguer entre mesures de court et de long terme selon les priorités).
4- Les solutions proposées devraient être contextualisées. S’il s’agit seulement de la crise actuelle liée au Covid, le problème deviendra uniquement celui de l’arbitrage entre un minimum d’activité économique de survie d’une part et un sauvetage autant que possible des vies humaines avec une intervention publique en matière essentiellement de :
(a) transfert social et de
(b) relaxation de la politique monétaire.
Le reste ne serait même pas pertinent à évoquer, c’est-à-dire la Réforme de la fiscalité, réforme du système productif et des stratégies commerciales, l’Education, Entreprises publiques, et autres chantiers qui ne concernent pas dans ce contexte urgent de minimisation des coûts sociaux et non de maximisation des gains. Là, il s’agit d’accélérer et généraliser la vaccination de la population au fur et à mesure du relâchement des mesures dites ‘’de confinement’’ et de retour au rythme habituel.
5- Généralement, quand on choisit la position du technocrate, on ne peut pas caresser dans le sens du poil certaines questions évidentes comme celle de captation la rente, des pressions syndicales, de l’équité fiscales, de taxe sur la fortune, de lutte contre la corruption, du rôle destructeur de certains politiques et leurs agendas.
6- S’orienter directement vers les mécanismes du marché dans le but de stimuler l’initiative privée serait une erreur car au moins elle occasionne des distorsions dans la répartition des revenus et richesses.
En fait, le marché́ comme institution (ainsi que la monnaie) a montré ses défaillances pendant toutes les crises que nous connaissons depuis le début du siècle dernier. De l’autre côté, les interventions en matière de dépenses publiques pour la relance, seraient aussi à effets très limités (le cas du New Deal de Roosevelt en 1933, les mesures prises par les puissances coloniales dans les colons, la persistance du secteur public en France et ses effets de contreperformance de long terme, ainsi qu’en Russie, etc.).
Par ailleurs, il n’est pas évident que les variables ciblées par les mesures fiscales et monétaires soient suffisamment élastiques par rapport à l’instrument (taxe, et taux directeur). C’est pour cela que le mot simulation souvent induit dans les propositions serait creux si lesdites simulations ne sont pas issues d’un hard exercice de construction d’un modèle macroéconomique complet retraçant le schéma fonctionnel de la croissance du pays et des thèmes annexes (équilibres globaux, dynamique du marché́ de l’emploi, commerce extérieur, fiscalité,...). Sinon, ce serait une programmation de retour à la case-départ.
7-La pertinence du programme économique de sauvetage n’est pas dans le nombre de mesures (instruments) qu’il contient indépendamment du nombre d’objectifs. La règle de Tinbergen impose l’égalité des deux pour éviter sa sur (sous) détermination ; ceci est sans évoquer la perte d’information et le risque de biais quand des valeurs retardées sont évoquées.
8- La dimension Institutionnelle est primordiale dans la représentation de l’économie de la Tunisie. Elle n’est pas synonyme de “Gouvernance”. Elle retrace les rapports de forces entre parties prenantes dans l’explication non seulement de certaines rigidités mais aussi du comportement des agents et de la mise en œuvre des réformes.