Même si un programme complet du gouvernement n’est jusqu’alors pas annoncé, ni des réformes nécessaires ni des politiques économiques structurantes n’ont été formulées et mises en œuvre depuis des années, il est question de mentionner que même dans le cas contraire avec les meilleurs économistes, médecins, ingénieurs et sociologues du monde, les éventuelles mesures de politiques publiques seraient à portée limitée si ce n’était à effets de retour de manivelle quand elles ne sont pas crédibles.
En Economie, la crédibilité des politiques économiques (Barro & Gordon, 1983) était, au début, centrée autour de la politique monétaire, comme condition préalable de son efficacité, pourvu qu’elle n’accuse pas une incohérence temporelle. En Tunisie, il y a suffisamment de faits instillant la non-crédibilité des politiques économiques (dans l’esprit des gens) à travers des programmes électoraux n’ayant jamais été de mise, des mesures prises souvent annulées, renversées et/ou n’ayant jamais atteint leurs objectifs initialement annoncés, et des prévisions n’ayant point été réalisées.
Or, ce vécu sert de base d’information pour les agents économiques concernés lors de la formulation de leurs anticipations et attentes. De ce fait, le corolaire des mesures non-crédibles est leur neutralisation, sinon leur blocage justement par les anticipations des citoyens. Dans ce cas, les agents pourraient anticiper davantage de mesures révisées de la part du décideur si d'autres pressions sont envisagées.
Dans son ouvrage reprenant le schéma fonctionnel de la croissance des pays du Sud-est Asiatique, J. Page stipule le concept de ‘’Etat Ami du Marché’’, où le père et ses enfants sont respectivement la métaphore de l’Etat et des agents économiques. Quand le Père promet quelque chose à ses enfants, il devrait s’y mettre pour que les enfants ne perdent pas leur confiance en lui.
Le père perd sa crédibilité quand il reçoit entre-temps un choc de dépense aléatoire l’empêchant de réaliser ses promesses. De même, crédibilité oblige, tout responsable est appelé à respecter ses dires même s’ils ne sont pas perçus en faveur d’une partie des citoyens. La crédibilité des politiques publiques pourrait aussi être menacée quand l’information est dissimulée ; ce qui ouvre la voie à toute sorte de spéculation et d’initiatives individuelles aux dépens du champs d’exercice de l’Etat surtout quand il est faible.
C’est pour cela que les décisions en provenance de l’Etat devraient :
(1) d’abord être bien pensées avant d’être annoncées et
(2) munies d’une compagne professionnelle de communication et de mobilisation, car une fois annoncées, ces décisions ne devraient plus être révisées (sauf peut-être dans le cas d'un choc tsunamique donnant lieu à une nouvelle crise systémique où le décideur trouverait les citoyens à ses côtés).
Le problème est que l’argument avancé par Mechichi quand il a réduit la plage horaire du couvre-feu, dit-il, décidée par référence à la Commission Scientifique, est l’appel du Président de la République ainsi que le mécontentement des travailleurs dans le secteur des services hôteliers et des cafés, comme s’il n’était pas si convaincu de sa démarche initiale dans la gestion de la crise, et voulait donc impliquer dans cet échec attendu Kaïs Saied , qui - à son tour- s’est immiscé dans des affaires qui ne le concernent pas.
Ainsi, Mechichi met sa crédibilité en jeu ainsi que celle de la Commission Scientifique, mais aussi il emprunte la voie d’un populisme ''imposée'' par le Président de la République.
Et dire que la Constitution et l'Etat ainsi que les Institutions qui leurs sont associées, sont littéralement préservés.