Récemment, Kaïs Saied a appelé certains fournisseurs à réviser à la baisse le prix de leurs marchandises. Toutefois, puisque c’était inenvisageable car en dehors des standards des politiques économiques et de luttes contre l’inflation, je l’ai pris au début comme un acte volontariste d’aide des « pauvres » par les « riches » sans plus. Nonobstant, il semble que c’est la même démarche poursuivie depuis, puisque le même appel a été adressé encore aux banquiers à travers leur association pour diminuer le taux de l’intérêt. A cet effet, un certain nombre de remarques formulées dans les termes les plus simples, s’imposent,
- Du point de vue de ‘’l’économie du marché’’, toute intervention manipulant les prix (taxe indirecte, subvention, …), donne lieu nécessairement à des distorsions faisant que :
(1) ces prix ne jouent plus leur rôle de ‘’signal fiable’’ de rareté et d’abondance des ressources, et aussi de décision efficiente,
(2) un accès inégal aux biens et services soumis à cette intervention, avec ce qu’elle engendre d’élargissement des disparités sociales,
(3) une réduction de l’espace fiscal à mesure que la part la plus petite de la population est disposée à accaparer la plus grande part mais croissante du bien ou du service et que leur offre est illimitée (les carburants, les produits de base) sinon des stratégies de spéculation sur le marché seraient le pain quotidien des opérateurs et les autorités perdent le contrôle des prix,
(4) une réorientation du revenu national en faveur des activités libéralisées (prix courants plutôt croissants) et aux dépens de celles subventionnées, à travers les fonctions de demande inverses,
(5) une contrainte additionnelle à l'encontre de la recherche et l'innovation.
- Cependant, en présence d’un secteur public, des effets pervers se prolongent pour fausser la concurrence, puisque les coûts des activités publiques sont généralement supportés par la politique fiscale exercée, à son tour, sur le secteur privé.
Dans ce cas, la concurrence dans un système où coexistent le secteur public et privé ne donne pas des prix optimaux à moins que l’on suppose (hypothétiquement) que l’État change de fonction-objectif, celle de “maximisation du bien-être collectif’’, en une ‘’maximisation de profit’’ sans qu’un support de subvention ne soit de mise et que tous les produits ne soient taxés de la même manière !
Et pour cause, les distorsions sont appréciables à travers les prix relatifs des produits. Les distorsions des prix ne concernent pas seulement l’équilibre à un instant donné, mais aussi le sentier de croissance de long terme puisqu’elles influencent les choix et les arbitrages inter-temporels.
C’est le cas de l’absorption des externalités négatives, polluantes par exemple qui détériorent les ressources et empêchent le développement soutenu, mais aussi influencent le plan des consommateurs en le rendant à un niveau d’équilibre inferieur, surtout que le ‘’service de santé’’ n’est pas substituable au ‘’loisir par exemple’’ ou à ‘’l’alimentation standard’’.
- Du point de vue du « Socialisme », Oscar Lange, Nobel d’Économie, montre l’équivalence entre l’Équilibre général de Walras (prix et quantités du marché), d’une part et l’Équilibre d’un Système de Planification Décentralisée, d’autre part, basé sur des itérations convergentes entre planificateur central et agents décentralisés.
- Du point de vue ‘’Tunisien’’, il semble que la question s’est toujours posée de manière évènementielle pourtant l’inefficience structurelle du système productif est due, entre autres, à un système tarifaire a priori ‘’arbitraire’’ des biens publics, encore moins des biens non-publics.
Évènementielle, car elle coïncide toujours avec une pression sociale ou des considérations électorales. Or, fixer un seul prix dans l’Économie, tous les autres prix relatifs, si séparément libéralisés soient-ils, deviennent distordus.
Outre le paradoxe de la production des dattes ou de l’huile d’olive en Tunisie dont les circuits de distribution sont captés par des free riders, la recherche du seul taux de change effectif réel de l’équilibre pour en déduire celui nominal bilatéral, ou du seul salaire réel d’équilibre sur le marché de l’emploi, n’ont aucun sens si les autres secteurs ne sont pas concernés par la correction de leurs dysfonctionnements. Ceci est de nature à limiter la portée des politiques économiques, surtout celles ayant trait à la réforme du système fiscal.
- Enfin, dans cette perspective, et à la recherche de l’efficience économique à travers la mise en œuvre de la libéralisation qui assurerait la réalité des prix, les leçons déduites de l’expérience internationale -seulement en matière de distorsions des prix- sont au moins les suivantes :
(1) Une approche par l’équilibre général est nécessaire (prendre tous les secteurs simultanément),
(2) Si la mise en œuvre de la libéralisation est graduelle, il serait d’abord important d’aligner les taux de taxation afin d’absorber une partie des distorsions relatives,
(3) Le rabaissement du taux de taxation uniforme,
(4) Quant au secteur public, il serait nécessaire de délimiter ses frontières en déterminant d'abord sa taille optimale.
(5) (…). Et bien sûr d’autres conditions institutionnelles devraient être respectées… C'est pour cela que les interventions arbitraires et peu pensées, dans toutes les affaires d'ailleurs, sont a priori vouées à l'échec.