Il est possible que leur leitmotiv soit ‘’la bonne cause’’, mais j’en doute fort car nul n’accepte de débiter des trivialités au risque d’être intimidé, et continue quand-même d’en faire un ‘’champ de bataille’’ interminable sans être soutenu ou ‘’encadré’’ par une quelconque industrie d’opinion, en soutenant les propos de l’autiste, en se permettant l'incohérence et la contradiction, et en donnant l’air de posséder la certitude.
La montée remarquable le lendemain du 14 des non-spécialistes de tous bords, particulièrement en Economie, ayant investi l’espace médiatique visuel, écrit et auditif, était curieuse, et c’est le moment d’y revenir après les dégâts qu’ils ont accusés une dizaine d’années durant.
Je parle dans ce qui suit des raisons de leurs montée, ensuite des faits stylisés qui marquent leur manière de s'y prendre et enfin des dégâts qu'ils ont accusés.
I. Quid des raisons ?
Certes, je ne pourrais pas être exhaustif pour analyser les causes de la montée médiatique des non-spécialistes, mais je pourrais me limiter aux points suivants.
(I) Un vide décevant causé par l’Elite intellectuelle et universitaire. J’ai en fait imaginé qu’un orateur à la radio puisse dire que le théorème de Pythagore est faux ! Je ne crois jamais que nos collègues de la Faculté des Sciences allaient se taire, ou si un ‘’ingénieur-béton’’ dit que la somme des moments n’est pas nulle pour un équilibre statique d’une construction, et les Profs de l’ENIT ou autre école d’ingénieur n’en font pas une anecdote.
Malencontreusement, certains économistes ont préféré se taire et d’autres ont même accrédité les propos de ces faux-experts par des articles publiés ou des interventions télévisées et même dans certaines conférences annuelles organisées par leur faculté d’Economie.
(II) Certains diplômés ont adhéré à cette dynamique de reprendre les mêmes erreurs déjà propagées que ce soit par les politiques ou les non-experts. Ils ne s’étaient pas rendu compte de leurs effets sur la conscience collective.
(III) Une vision idéologisée et sur-politisée de la chose économique a fait tromper les acteurs d’ennemi ainsi que les groupes de pression à la recherche perpétuelle de la captation de la rente.
II. De la survie intellectuelle des faux experts :
En observant les interventions des non-spécialistes, j’ai pu en déduire les faits stylisés suivants :
1. Ils se présentent comme des ''experts économistes'' pour dissimuler le handicap de spécialisation et gagner en crédibilité. |
2. Ils décrédibilisent le vis-à-vis même à travers un procès d’intention. |
3. Ils Mettent en doute la fiabilité des statistiques et font passer le message de l’échec et du regret |
4. Ils prétendent avoir la solution sans en donner la preuve ; ne serait-ce que des phrases vides de contenu opérationnel |
5. Ils utilisent maladroitement des concepts complexes sans être certains de leurs contenus. |
6. Ils se basent sur des méthodes simplistes sous prétexte de faciliter le discours et simplifier le discours. |
III. Des dégâts : Pauvreté des débats, aplatissement de la conscience collective et limites à l’action du décideur public.
Bien que ça ne mérite pas de documentation, ces non-spécialistes ayant pris le titre d’Experts seulement par l’espace public, ont fait propager des erreurs monumentales de lecture de la chose publique, puisque leurs propos ont toujours été en dehors de la théorie et de la pratique internationale.
Certes, un programme destiné au grand public n’est pas une présentation devant un jury académique, mais la science est unique, la rigueur et l'honnêteté sont les mêmes et le contenu devrait seulement être simplifié avec une dose optimale de pédagogie. Stiglitz et Krugman, lauréats du prix Nobel, n’ont jamais trahi la théorie économique d’un cran lors de leurs centaines de sorties médiatiques destinées au grand public.
Chez nous les erreurs et les propos plats sont innombrables comme :
(I) La guerre contre la corruption en Tunisie a fait gagner 2 points de croissance, et la loi de l’amnistie des corrompus a fait gagner 1.5 points.
(II) Le prêt-FMI a été destiné à la consommation et aux salaires des fonctionnaires et non aux projets d’investissement. [Or, ce n’est ni l’un ni l’autre]
(III) Le budget de l’Etat a été alloué via des transferts directs d'endommagement des bénéficiaires de l’amnistie législative générale en 2011 et c’est pour cela que le déficit public en 2019 est élevé.
(IV) Un point de croissance crée 16000 emplois.
(V) Il faudrait retrancher la croissance du PIB non-marchand (Administration) pour trouver le ‘’vrai’’ taux de croissance de 2013.
(VI) La BCT de 2010 a laissé 5000 MDT en réserves de devises, et maintenant il n’en reste rien.
(VII) La masse salariale est ‘’le seul mal’’ des finances publiques.
(VIII) L'indépendance de la BCT est vitale pour la démocratie. Etc. Et j’en passe.
En évinçant les propos des éventuels Experts de la place, soit une perte sèche pour le pays, tous ces propos sont, à l’évidence faux ; et aucun économiste qui se respecte n’oserait les tenir sans les étudier rigoureusement.
Et pourtant, on les trouve tenus par des jeunes économistes-étudiants, des décideurs politiques qui les ont intégrés dans le discours officiel ainsi que les parlementaires, et aussi par le citoyen lambda qui a déjà commencé depuis quelques années à perdre confiance dans la classe politique et donc dans l’avenir.
Voilà le principal dégât engendré par ces faux experts, voire ces faux jetons, dont la contribution à la montée des récents mouvements populistes était de taille. En fait, la falsification de la conscience collective est plus facile que sa construction et son approfondissement.