Depuis l’indépendance du pays et le départ des colons, un problème se pose aux autorités publiques : comment assurer la meilleure exploitation des terres domaniales ? On se souvient que, dans la foulée d’une gestion purement étatique de ces terres, la Tunisie a été fortement tentée par une expérience de « collectivisation » quasi-générale, dans l’espoir de mobiliser les campagnes dans le combat pour le développement : augmentation de la production, autosuffisance alimentaire, exportations... L’exemple des kolkhozes soviétiques avait marqué les esprits.
On connaît cependant les résultats très «contrastés» de cette expérience : la souffrance des expropriations subies, la prolétarisation d’une partie du paysannat et, pour finir, l’enlisement des fermes d’Etat dans des gestions sans cohérence et dans le sable mouvant de la bureaucratisation. D’où le passage à la formule de la cession au secteur privé, moyennant la mise en place d’un cahier des charges.
Mais ce changement de politique devait à son tour se révéler semé d’embûches : à côté des critères de compétence et de capacités financières de développement, s’étaient introduits dans les procédures de sélection des candidats, de façon plus ou moins subreptice, des critères d’allégeance au régime, voire à la famille régnante…
A cela s’ajoutait logiquement une baisse de vigilance de l’administration en matière de respect des cahiers des charges par les exploitants, mais aussi de niveau de performance économique des exploitations. De sorte que, au lieu de servir de modèles en matière de techniques culturales et de rigueur de gestion, les terres domaniales cédées au privé, sous forme de Société de mise en valeur et de développement agricole (Smvda) ou de lots techniciens, se sont souvent transformées en exemples de médiocrité, suscitant chez les habitants environnants rancœur et mépris…
Les exceptions à la règle, qui existent bien sûr, n’ont cependant pas suffi pour contenir la vague de colère et les menées de vandalisme que l’on a observées au moment de la révolution…
Aujourd’hui, la question de la bonne exploitation des terres domaniales est reposée. Une consultation a été engagée à ce sujet dont les résultats tardent à être publiés. Le cahier des charges est modifié... Bref, on attend toujours que ces terres servent de moteur à l’agriculture tunisienne, aussi bien en matière de préservation des ressources qu’en matière d’utilisation à bon escient des méthodes les plus modernes.