Le prisme et l’horizon/Opposition syrienne : un test préalable

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Prévu initialement en début de semaine à Genève, le lancement des négociations de paix pour la Syrie devrait finalement avoir lieu dans la journée de demain, vendredi 29 janvier. Mais cet ultime report en dit long sur la difficulté qu’il y a à se mettre d’accord sur les participants aux négociations... C’est à la demande du Haut comité des négociations (HCN) que le rendez-vous a été reculé. Entre temps, cette structure qui regroupe officiellement l’opposition syrienne s’est retrouvée à Riyad pour faire le point et, en même temps, faire état de sa déception au sujet des concessions américaines face aux négociateurs russes et iraniens…

Les griefs sont multiples. Il y a d’abord la poursuite des bombardements russes dans des zones dont certaines sont sous leur influence. Or les dernières journées ont été particulièrement meurtrières et on déplore d’ailleurs la mort de 90 civils dans l’est du pays rien que pour les deux journées de vendredi et samedi derniers, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme : «Nous ne pouvons pas aller aux négociations alors que notre peuple meurt de faim et se trouve sous les bombardements», avait déclaré, le 20 janvier, Riyad Hijab, président du HCN et ancien Premier ministre syrien qui avait fui le pays en août 2012.

Il y a aussi le principe, admis par les Américains, selon lequel le président Al-Assad pourrait participer aux élections au terme de la période transitoire. Cette hypothèse, qui relevait quasiment du blasphème il y a quelques mois parmi les opposants, a eu le temps à vrai dire de faire son chemin dans les esprits. D’autant que pour tous ceux qui font un usage correct de leur cervelle, il y a une faible probabilité à ce qu’un homme ait l’outrecuidance de se présenter devant son peuple pour le diriger, alors que tant de sang innocent a coulé par sa faute. S’il le faisait cependant, la campagne électorale se chargerait de le clamer, documents à l’appui.

Mais l’obstacle le plus sérieux, et sans doute le plus inattendu, est que Moscou insiste pour que soient assis à la table des négociations ses propres opposants. Il s’agit de gens comme Haïtham Manna, Qadri Jamil, ou le kurde Saleh Muslim… Des personnalités de poids, à vrai dire, qui n’avaient pas trouvé leur place au sein du groupe du HCN, mais dont l’absence des négociations aurait été un mauvais signe…

Autant les Russes jouent un rôle sulfureux dans ce conflit syrien en défendant un régime qui est, quoi qu’on en pense, une dictature en bonne et due forme, puis en menant des actions de bombardement qui, tous les jours, fauchent la vie de civils syriens par dizaines, autant cette revendication de leur part est une bonne revendication. On ne saurait pratiquer ici un manichéisme qu’on reproche aux autres. Il appartient aux opposants syriens proches de l’Arabie Saoudite de se défaire de l’idée qu’ils détiendraient le monopole pour ce qui est de représenter l’opposition syrienne dans sa totalité.

Cette expérience de partage dans la représentation de l’opposition au régime est un test qui va permettre de distinguer parmi les participants aux négociations ceux qui sont prêts pour une expérience démocratique et ceux qui cherchent simplement à remplacer un régime par un autre, plus en accord avec leurs croyances…

S’il se confirme, le rendez-vous de demain prouvera qu’un pas décisif a été franchi sur la voie d’un dialogue auquel tous les Syriens ont le droit de prendre part. L’étape suivante étant que, de façon plus unie, ils prennent en charge eux-mêmes le combat contre l’ennemi commun.

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