Hier, mercredi 5 juillet, sont réunis au Caire les chefs de la diplomatie de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis, de Bahreïn et de l’Egypte. A l’ordre du jour, les dispositions à prendre à l’égard de la réponse opposée par le Qatar à la liste des 13 demandes que ce dernier avait reçue des quatre pays cités. La teneur de la réponse officielle du Qatar, transmise lundi dernier, n’a pas été rendue publique mais tout porte à croire qu’il s’agit d’un refus, et probablement même d’un refus catégorique.
Selon des informations rapportées d’un échange qui impliquait un représentant de l’Etat émirati, de nouvelles sanctions sont envisagées qui devraient aggraver la rupture des relations diplomatiques, la fermeture des frontières et l’interdiction de l’espace aérien. On parle d’une exclusion du Qatar du Conseil de coopération du Golfe et, surtout, de l’obligation faite aux pays tiers de choisir, dans leurs relations économiques, entre eux et le Qatar. Rien que ça !
Nous aurons bientôt des précisions sur ce sujet, sans doute aussitôt que le médiateur koweïtien aura fait parvenir aux autorités qataries le texte relatant les décisions prises. Le Koweït, membre lui aussi du Conseil de coopération du Golfe, a adopté dans cette affaire le rôle de médiateur. Mais, pour l’instant, sa mission semble se résumer à celle d’un facteur qui transmet les messages d’une partie à une autre.
Il sera intéressant de voir quelle attitude il va adopter dans le cas où l’Arabie Saoudite et ses alliés mettaient à exécution leur décision d’obliger les pays tiers à choisir leur camp dans leur politique d’échanges économiques. La même réflexion s’applique à l’autre Etat du Golfe qui est resté jusqu’ici en retrait : Oman.
On ne peut manquer de relever ici que les pays arabes du Golfe, et en particulier les petits émirats situés sur la partie orientale de la péninsule arabique, ont pris ces dernières années une importance disproportionnée sur l’échiquier du jeu diplomatique, bien au-delà de la région à laquelle ils appartiennent, et ce à travers le soutien que certains d’entre eux apportent à d’autres pays grâce à leurs moyens financiers hors normes.
C’est particulièrement le cas du Qatar, qui a soutenu les révolutions arabes, et qui a favorisé aussi la composante islamiste dans la participation à ces mouvements d’insurrection. Mais c’est aussi, comme chacun sait, celui des Emirats arabes unis, dont l’option a été de contrecarrer les manœuvres du Qatar. A telle enseigne que dans beaucoup de pays arabes touchés par les insurrections, le spectre politique se divise en courants proches du Qatar et en courants proches des Emirats. Comme si la rivalité de ces deux émirats dont la superficie équivaut à deux de leurs provinces s’était entièrement déplacée à l’intérieur de leur vie politique.
Récemment, l’Etat émirati a cependant pris une initiative de médiation qui le rapproche du rôle joué actuellement par le Koweït. Mais, à vrai dire, ce rôle, il ne l’a pas conçu comme quelque chose qui l’obligeait à se départir d’une position favorable à l’un des protagonistes du conflit. Nous voulons parler ici de la réunion organisée à Abou Dhabi le 2 mai dernier et qui concerne la crise libyenne.
Cette réunion était doublement importante parce que, pour la première fois, elle a permis une rencontre directe entre le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, Fayez El-Sarraj, et le maréchal Khelifa Hafter. Le lendemain, le président égyptien faisait le déplacement et se joignait aux deux précédents. Un accord a été signé à l’issue de cette réunion d’Abou Dhabi en vertu duquel le Conseil présidentiel — structure prévue dans les accords de Skhirat — faisait une place en son sein au maréchal Hafter.
Il est assez clair que pareille initiative a surtout fait l’affaire de ce dernier, dont aussi bien les Emirats que l’Egypte sont des soutiens fidèles dans ses combats contre ses adversaires islamistes. Le contrecoup de l’accord signé a été, par conséquent, que les milices qui continuent de se partager le contrôle dans la zone occidentale du pays, ainsi que les mouvements politiques qui formaient l’ancien pouvoir à Tripoli, se sont sentis floués et trahis par Fayez Al-Sarraj, qu’ils avaient soutenu dans le passé dans le cadre de la mise en application des accords de Skhirat et à qui ils reprochent maintenant sa diplomatie des concessions à l’ennemi juré qu’est Khelifa Haftar.
La diplomatie émiratie de la médiation a donc eu des résultats mais ces résultats demeurent manifestement limités. C’est un peu l’inverse avec une autre initiative de médiation, qui est l’initiative tunisienne, engagée le 15 décembre dernier. Elle n’a aucun résultat concret à faire valoir à ce jour mais elle œuvre dans la discrétion à l’atteinte d’un accord global, qui n’exclut personne, et elle cherche à élargir la base de soutien international en vue de la mise en place d’un processus de dialogue national en Libye.
Cette option a été réaffirmée dimanche dernier à Addis Abeba, lors d’un discours de Béji Caïd Essebsi lu par les soins du ministre des Affaires étrangères devant les participants à la réunion du Comité de haut niveau de l’Union africaine. Le président tunisien a appelé le secrétaire général de l’ONU à hâter la mise en place d’un dialogue politique conformément aux mécanismes convenus dans l’accord politique du 15 décembre.
L’appel lancé à celui qui préside aux destinées de l’Organisation des Nations unies à partir de l’enceinte de l’Union africaine est en soi porteur d’un message implicite : il consacre, comme nous le disions, le choix de mobiliser un soutien large en faveur de la solution du dialogue politique, et de rechercher ces soutiens en priorité au niveau de la région où se situe le conflit. Il sera intéressant de voir, dans les jours qui viennent, comment la crise du Golfe pourra de son côté faire émerger de nouvelles initiatives diplomatiques arabes : des initiatives plus engagées que celle dont le Koweït nous a donné jusqu’ici l’exemple.