Une politique urbaine à réinventer

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Dans le jargon administratif, on parle d’épuisement du stock foncier. Cette seule donnée peut expliquer la spéculation dont fait l’objet chez nous le terrain à bâtir et, par voie de conséquence, le prix du logement. D’où, bien sûr, la forte tentation pour les ménages à faibles revenus de recourir à la construction anarchique, malgré ses inconvénients en termes d’absence de commodités et, surtout, de risques de démolition…

Mais l’épuisement du stock foncier n’est pas lui-même séparable d’une politique d’urbanisation sans imagination et globalement passive. Ce qui peut, bien sûr, être mis au compte de la période postrévolutionnaire et de ses turbulences. Mais il est clair que la Tunisie souffre depuis longtemps d’une grande faiblesse qui est précisément sa politique urbaine : pas de vision qui sache allier de façon intelligente les besoins de la population en logement et, d’un autre côté, l’exigence de cohérence esthétique de l’ensemble, de respect jaloux d’un cachet architectural qui refléterait la profondeur de notre histoire, d’organisation harmonieuse de l’espace qui soit synonyme de bien-vivre…

L’administration peine elle-même à limiter les effets les plus néfastes de cet enlaidissement de nos villes. Par ses interventions, elle ne fait souvent qu’aggraver la crise en créant des obstacles inutiles en travers du chemin du candidat à la construction, qu’il soit particulier ou promoteur immobilier. Car le constat, aujourd’hui, est qu’une frange importante de la population ne peut plus accéder à la propriété et que cela constitue un facteur de fragilisation de la société. D’où une nouvelle stratégie de l’habitat, décidée l’année dernière, et dont l’objectif est d’améliorer l’accès à la propriété par diverses mesures financières et fiscales, censées en particulier permettre aux ménages à revenus modestes de bénéficier du crédit là où, jusqu’ici, ils en étaient exclus…

Mais on doute que ces mesures suffisent à résoudre le problème, dès lors que cette stratégie ne révolutionne pas notre politique urbaine désuète et fatiguée, incapable d’inventer des solutions et de déjouer la spéculation… Que gagnerons-nous à ce que de plus en plus de ménages accèdent au crédit et qu’ils passent ensuite toute leur vie à rembourser au détriment de leurs loisirs et de leur santé ? Le devoir de l’Etat est ailleurs : faire en sorte que le foncier se libère de l’emprise des spéculateurs et dégager des solutions d’habitation nouvelles… Quitte à ce que ces solutions rejoignent une politique de décentralisation et de retour vers les régions qui atténuerait la pression démographique sur les grandes villes.

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