Aujourd’hui, mercredi 29 mars, est la date que s’est fixée le Royaume-Uni pour lancer officiellement la procédure de séparation avec l’Union européenne, conformément au résultat du référendum organisé le 23 juin dernier sur le fameux Brexit.
On saura bientôt si cette sortie de l’Europe, voulue par une majorité de sujets du royaume, répond aux attentes d’un peuple en mal de souveraineté ou si elle n’est tout compte fait que la mauvaise réponse à un malaise dont la nature est autre. On le saura en voyant si, en reprenant ses billes, le Royaume-Uni renouera vraiment avec la joie de sa liberté retrouvée ou si ce divorce ne fera qu’ajouter de la peine à la peine en le rendant plus seul face à ses problèmes à résoudre…
Samedi dernier, quelque 80.000 personnes ont battu le pavé dans les rues de Londres en scandant des slogans comme «Unis pour l’Europe» et «Faites entendre votre voix, arrêtez le Brexit»... Cette «discordance» londonienne dans la volonté générale du peuple britannique, dont l’écho s’est aussi fait entendre ailleurs, en particulier en Ecosse, était sans doute la façon que certains avaient trouvée de réserver leur bon accueil à la date fatidique d’aujourd’hui. Mais en réalité, le samedi 25 mars était le jour du 60e anniversaire du Traité de Rome.
Dans la capitale italienne, on assistait au même moment à une sorte de grand rassemblement des chefs d’Etat et de gouvernement qui, malgré tensions et divergences, ont tenu à marquer l’événement en conjurant les vents de l’euroscepticisme : ils ont réaffirmé ensemble leur volonté de redonner un nouveau souffle à l’aventure européenne. Les pays membres, au nombre de 27 — le Royaume-Uni n’en faisait pas partie — ont signé pour l’occasion un document — la Déclaration de Rome — dans lequel ils affirment notamment que «Ensemble, nous sommes déterminés à faire face aux défis que présente un monde en mutation rapide et à offrir à nos citoyens à la fois la sécurité et de nouvelles possibilités.»
Dans un souci de ménager les revendications de certains pays, le texte parle d’une action à des «rythmes différents» : «Nous agirons de concert, si nécessaire à des rythmes différents et avec une intensité différente, tout en avançant dans la même direction, comme nous l’avons fait par le passé, conformément aux traités et en laissant la porte ouverte à ceux qui souhaitent se joindre à nous plus tard...»
Les dirigeants présents ont pris des engagements dans quatre domaines :
1) Une «Europe sûre et sécurisée» qui lutte de concert contre le terrorisme et le crime organisé mais qui se dote aussi d’une «politique migratoire efficace, responsable, s’inscrivant dans la durée et respectant les normes internationales» ;
2) Une «Europe prospère et soucieuse du développement durable», synonyme de création de croissance et d’emplois, avec des «économies convergentes» ;
3) Une «Europe sociale» qui «œuvre en faveur des droits et de l’égalité des chances pour tous», qui «lutte contre le chômage, les discriminations, l’exclusion sociale et la pauvreté» et «qui préserve notre patrimoine culturel et favorise la diversité culturelle» et
4) Une «Europe plus forte sur la scène mondiale», qui «œuvre à la stabilité et à la prospérité dans son voisinage immédiat, à l’est et au sud, mais aussi au Proche-Orient, dans toute l’Afrique et dans le reste du monde» et qui est «déterminée à renforcer sa sécurité et sa défense communes, et ce également en coopération avec l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et en complément de celle-ci...»
Ces engagements suffiront-ils pour redonner ce «nouveau souffle» que beaucoup appellent de leurs vœux contre le retour des nationalismes et contre ce repli xénophobe auquel on assiste çà et là ? Pas sûr ! Comme l’ont rappelé les signataires du document, le Traité de Rome a permis de mettre les pays européens à l’abri du spectre de la guerre qui avait décimé les populations pendant la première moitié du siècle dernier. Plus tard, avec l’effondrement du bloc soviétique, c’est encore l’Europe issue de ce Traité qui a permis d’intégrer un grand nombre de pays situés à l’est du continent et de les préserver contre les aléas d’un monde en perte de repères.
Aujourd’hui, il s’agit pour les peuples de retrouver un nouveau projet fédérateur, une flamme nouvelle qui anime les nouvelles générations : il n’y aura pas de souffle nouveau sans ce projet à réinventer !