Liberté de la presse : une journée, des questions

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Il est utile pour nous de le rappeler parce que, à travers certains usages qu’on en fait — ou certains mauvais usages — beaucoup de nos concitoyens en viennent à perdre de vue ce qu’il y a d’éminemment noble dans la cause de la liberté de la presse : elle ne signifie plus pour eux que la licence que s’octroient certains à livrer en pâture la vie d’autrui, à produire du «buzz» en faisant feu de tout bois dans une logique bassement mercantiliste, à mêler le faux au vrai dans l’information servie à l’image de ce que font les faussaires les plus malhonnêtes…

Rappelons donc ici ce qui mérite d’être rappelé : en défendant la liberté de la presse dont les journalistes sont en quelque sorte les dépositaires, c’est la liberté d’expression du citoyen — si modeste soit-il — qui se trouve protégée. En ce sens, les journalistes que nous sommes, dans la diversité des types de médias que nous utilisons, nous servons de garants à la liberté de chacun dans la cité afin que personne ne se trouve interdit de parole, réduit au silence, méprisé dans sa pensée.

Ce qui signifie que chaque fois qu’une telle chose arrive, c’est la mission du journaliste qui se trouve bafouée. Que les sirènes d’un certain vedettariat amènent beaucoup de prétendues éminences parmi nous à oublier cette mission n’enlève rien à son caractère sacré, au contraire.

D’autre part, en défendant la liberté de la presse, c’est un droit du citoyen que nous défendons : celui de savoir, d’être instruit sur ce qui se passe sur la scène politique. Car le citoyen n’est en pleine possession de sa citoyenneté et en mesure d’agir à partir d’elle (en dépassant l’horizon de ses intérêts purement individuels) que s’il est éclairé à travers une information vraie et pertinente.

On ne peut concevoir une société unie et ouverte sans cette forme accomplie de la citoyenneté agissante. Et on ne peut concevoir cette forme accomplie de la citoyenneté agissante sans une liberté de la presse qui se met au service du droit de savoir du citoyen. Il y a, là encore, un rôle primordial de la liberté de la presse du point de vue de la construction de nos sociétés modernes et de la promotion de leurs idéaux.

Voilà en gros ce qu’avaient certainement en tête tous ceux qui ont consenti des sacrifices en faveur de la cause dont nous parlons, et qui ont considéré dans la durée que leurs sacrifices n’étaient pas vains. Aujourd’hui, il est clair pour tous ceux qui réfléchissent à la chose publique que les progrès à réaliser en matière de gouvernance et de développement économique et social ont peu de sens, ou en tout cas peu de chance de succès, sans une presse libre et jalouse de sa mission.

La célébration est donc de rigueur. Plus encore peut-être si nous nous acquittons mal de la mission. Ce que laisse penser le classement de certaines ONG spécialisées qui nous ont fait reculer de quelques places depuis l’année dernière… Quoi qu’il en soit des appréciations des uns et des autres sur ce sujet, il convient toujours que nous nous interrogions sur les raisons pour lesquelles l’indépendance n’a pas davantage d’importance dans nos pratiques.

Nos gouvernants ont-ils fait tout ce qu’il fallait dans ce sens ? Et nous-mêmes, journalistes, avons-nous accordé à cette tâche supérieure la priorité qui lui sied ? La société civile a-t-elle de son côté joué son rôle en rappelant ses attentes de façon insistante et précise ?

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