Le prisme et l’horizon/Réflexion sur la tuerie d’Orlando

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Les dernières actions terroristes qui ont eu lieu en «territoire occidental», à savoir celle d’Orlando en Floride et celle de Paris, sont manifestement le fait de «loups solitaires». Bien sûr, derrière cette appellation se cachent des profils assez divers, sur le plan psychologique : il n’en reste pas moins que, dans les deux cas, les auteurs ont agi seuls et non en équipe.

Cette donnée en dit long sur le caractère désespéré du combat que mène en particulier l’organisation de l’Etat islamique, poussée dans ses retranchements sur les terres qui lui servent de base et impuissante à orchestrer elle-même des actions à l’extérieur.

Mais il convient aussi de relever que, en dehors de ce point commun, les deux actions présentent de grandes différences quant aux cibles qu’elles se sont choisies. En Tunisie, nombre d’observateurs ont relevé que les manifestations de sympathie ont été particulièrement timides en ce qui concerne la tuerie d’Orlando. Il y a comme un malaise à exprimer sa solidarité avec des victimes qui appartiennent à la communauté homosexuelle. Puisque l’opération d’Orlando a visé une discothèque gay… Et il n’y a pas de doute que le choix de cette cible en particulier essaie de jouer sur ce malaise.

De deux façons : d’abord en cherchant à recueillir la sympathie de tous ceux pour qui les lieux de rencontres entre homosexuels représentent le visage décadent de l’Occident et, ensuite, en suscitant au sein des communautés musulmanes en général une division entre ceux qui condamnent l’action parce qu’elle est terroriste et ceux qui accusent ces derniers de souscrire implicitement, à travers leur condamnation, à des valeurs qui sont très étrangères à nos traditions : ce qui serait en quelque sorte un reniement de sa culture et de ses fondements religieux au profit de l’Occident et de la perversion de ses mœurs.

Il est clair par ailleurs qu’en raison de la réticence à condamner l’attentat d’Orlando, le camp de l’islamophobie pourrait de son côté mettre de nouveaux arguments dans son escarcelle : les musulmans, selon lui, seraient d’abord homophobes — ce qui est une forme comme une autre d’intolérance à l’égard de certains êtres humains — et, ensuite, leur refus du terrorisme ne serait pas un refus absolu : il y aurait pour eux des terrorismes plus condamnables que d’autres et donc, par voie de conséquence, des terrorismes plus acceptables que d’autres. Enfin, concluraient-ils, si pour eux certaines formes de terrorisme peuvent être relativement acceptables, c’est que leur refus n’est pas authentique : c’est un refus superficiel.

Il est bon que, aux Etats-Unis, certains musulmans organisés de façon citoyenne se soient avisés de ce danger et qu’ils aient pris l’initiative d’exprimer, y compris en prière, leur sympathie à l’égard des blessés et des familles des victimes. L’ONG Council on American-Islamic Relations (Cair) a été en pointe à cette occasion.

La barbarie du meurtre collectif, l’impiété extrême qui consiste à se réclamer de l’autorité de Dieu pour semer la mort aveuglément et le caractère insidieux et diabolique d’une manœuvre qui cherche à créer de la division au sein de la communauté musulmane mais aussi dans la relation de cette communauté avec les autres, tout cela confère en réalité des raisons très suffisantes pour condamner un tel acte sans la moindre réserve, ou peut-être avec encore plus de virulence. Et cela, indépendamment même des opinions négatives qu’on peut avoir à l’égard de l’homosexualité ou plutôt à l’égard des styles de vie auxquels elle donne lieu dans les pays d’Occident.

Soyons francs sur ce sujet : l’homosexualité est certes une particularité de certains et il ne nous appartient pas de nous ériger en juges de ce qui mérite et de ce qui ne mérite pas de jouir du droit de cité dans nos sociétés humaines. En revanche, certaines conduites qui se développent autour de cette particularité sexuelle, cette façon de vouer les corps au statut de pur objet de plaisir, cette façon surtout d’imposer au reste de la société, par l’ostentation, l’ordre de ce type de relation à autrui, cela pose un problème très réel et personne ne devrait se sentir gêné d’y avoir à redire.

Ce n’est ni une question d’intolérance ni une question de repli sur les positions d’un moralisme rigide : c’est le refus d’un comportement qui, parce qu’il s’enferme dans l’élément du plaisir, qu’il réduit le corps à n’en être qu’un moyen alors qu’il est source de vie nouvelle, donne sans le savoir et sans le vouloir des atouts cachés à la mort.

Il y a une réserve saine à l’égard de l’homosexualité, dès lors en tout cas qu’au nom de la défense de la particularité qu’elle représente, elle s’avise d’instaurer l’ordre d’un relativisme qui rejette la relation féconde en vie en une relation elle-même «particulière» et, ajouteraient certains, «particulièrement ordinaire».

Mais les considérations qui peuvent susciter cette réserve sont elles-mêmes, et à plus forte raison, celles qui devraient nous appeler à rejeter violemment un comportement qui ne se contente pas de donner des atouts à la mort, qui lui offre son propre corps afin que, par lui, elle arrache la vie là où elle se trouve.

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