Le prisme et l’horizon/ La rhétorique déconcertante de M. Netanyahu

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Le 29 août dernier, devant les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à New-York, M. Nickolay Mladenov, qui est coordinateur spécial pour le Moyen-Orient auprès de l’ONU, a présenté un rapport qui n’est pas passé inaperçu. L’orateur a dressé un portrait sombre de la situation palestinienne.

Il a énuméré tous les obstacles qui continuent de se dresser face à la possibilité d’un règlement politique du différend entre Palestiniens et Israéliens. Parmi ces obstacles figure le non- respect par le gouvernement israélien des recommandations du Quartet qui, il y a deux mois, avait à nouveau attiré l’attention sur la menace que faisait peser sur la paix la poursuite d’une politique à la fois de démolition des habitations palestiniennes et d’extension des colonies israéliennes dans les territoires occupés de Cisjordanie.

Notons que ce rapport évoquait ce problème, y accordait une importance particulière, mais en évoquait d’autres, dont certains qui mettaient en cause les Palestiniens. M. Mladenov a dénoncé par exemple le cas d’une exécution extrajudiciaire à Naplouse par les forces de sécurité ainsi que le tir de deux roquettes à partir de Gaza : tir qui, comme à l’accoutumée, a donné lieu à une réponse disproportionnée sous la forme d’envoi de dizaines de missiles sur Gaza… Il soulignait l’obstacle que continuait d’opposer à la paix la division existante entre l’autorité palestinienne en Cisjordanie et le pouvoir du Hamas à Gaza.

D’autre part, le responsable onusien s’est fait l’écho, pour les relayer et les appuyer, de certaines accusations israéliennes portées contre une ONG internationale dont un responsable aurait détourné les dons au profit du Hamas.
Autrement dit, le rapport qui a été présenté n’avait pas les caractéristiques d’un document à charge et partial. Si les accusations y marquaient un déséquilibre au détriment d’Israël, c’est simplement que la réalité du terrain voulait qu’il en soit ainsi. Et Nickolay Mladenov de rappeler : «Depuis le premier juillet, Israël a avancé des plans pour 1000 logements à Jérusalem-Est et pour 735 autres dans des colonies de Cisjordanie».

C’est contre ce rappel, qui est en effet un défi à la solution des deux Etats et des recommandations formulées par le Quartet, que Netanyahu a cru bon de s’insurger dans une rhétorique qui nous laisse tous pantois. Prenant à partie le coordinateur spécial, mais en ayant sans doute le souci particulier de se faire entendre de son propre électorat, il prétend que la mise en cause de sa politique de poursuite des colonisations relève d’une «distorsion de l’histoire» et qu’elle revient à dénier aux juifs leur lien ancien avec cette terre. «La revendication que les constructions juives à Jérusalem sont illégales est aussi absurde que celle qui prétendrait que les constructions américaines à Washington ou françaises à Paris sont des constructions illégales», lance le Premier ministre israélien dans un communiqué.

Une telle façon de parler met réellement à rude épreuve les principes de base de la logique. D’autant que Netanyahu ajoute que le rapport présenté devant le Conseil de sécurité «nous éloigne de la paix». Ce ne sont pas les colonies et leurs extensions qui mettent en péril la paix, malgré leur contradiction avec les recommandations du Quartet et la résolution 1515 du Conseil de sécurité exigeant l’arrêt immédiat et total des constructions ainsi que le démantèlement des colonies existantes, non, c’est la dénonciation de ces dépassements qui serait contraire aux exigences de la paix. Que répondre à cela ?

Sans doute que les franges les plus extrémistes et les plus farouches dans la défense du Grand Israël y trouvent leur compte. Plus c’est excessif et contraire à la raison et à la communauté internationale, plus ces franges sont disposées à accorder leur adhésion. On ne peut d’ailleurs croire que le Premier ministre israélien ait eu d’autre but, à travers cette sortie quasi hilarante, que celui de gagner l’approbation de ces gens. Dans le cas contraire, cela nous amènerait à nourrir quelque inquiétude sur son état mental.

Il faut savoir en tout cas que ce type de rhétorique déconcertante provoque des ruptures avec des institutions qui sont parfois internes à l’Etat d’Israël. Puisque, aujourd’hui, les juges qui, en application de la loi, dénoncent des opérations de construction dans les colonies sont eux-mêmes désavoués et traités de «gauchistes radicaux», comme le signalait le Jerusalem Post le 9 juillet dernier.

Non M. Netanyahu, vous dire qu’il faut cesser la politique de colonisation, ce n’est pas faire l’apologie d’une «épuration ethnique contre la population juive» sur des terres auxquelles l’histoire la rattache, c’est seulement vous rappeler que vous devez avoir un minimum d’égard pour ceux avec qui vous prétendez vouloir faire la paix, mais aussi pour ceux qui ont engagé leur parole afin que de telles pratiques cessent… et que vous désavouez avec une désinvolture qui n’est pas à l’honneur de la mémoire juive que vous prétendez incarner.

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