En 2010-2011, le peuple a voulu, et a fait tomber le régime autoritaire et corrompu de Ben Ali. En juillet 2021, il veut à nouveau, mais cette fois avec la colère de celui qui est contrarié parce qu'il s'est vu subtiliser sa révolution. Le problème est qu'il a délégué sa colère à un homme qui peut utiliser sa mission pour s'installer dans le rôle de nouveau dictateur.
C'est-à-dire de quelqu'un qui prendra appui sur la volonté populaire pour, non pas répondre aux attentes du peuple, mais asseoir son pouvoir personnel et instaurer l'ordre de ses caprices particuliers en guise de mode de gouvernement. Ce qui nous ramènerait, s'il fallait faire un parallèle, à la période de la fin de règne de Bourguiba.
Toute colère a quelque chose d'irrationnel et de violent. Elle ne prend pas de gant. Et se doit même de ne pas en prendre pour s'assumer comme telle. C'est pourquoi les entorses faites aux dispositions et aux procédures existantes, que nous constatons chaque jour, ne sont pas en soi des preuves qu'on pourrait d'ores et déjà apporter à l'appui de la thèse selon laquelle la dictature du peuple s'est muée en dictature personnelle au nom du peuple.
Ce ne sont pas des preuves, mais ce sont des éléments qui entretiennent la vigilance. Ce ne sont pas des preuves, parce qu'il est toujours possible de les mettre sur le compte de la colère et des excès sans lesquels elle ne serait pas la colère qu'elle est.
Dans ces circonstances, quel peut être notre rôle à nous qui observons les événements ? Compter les jours et exiger des garanties ? Je ne pense pas que ce soit l'attitude la plus pertinente. Mettre en garde contre le risque de la dérive à laquelle nous avons fait allusion ? Assurément.
Mais, de façon plus positive, attendre aussi que cette dictature du peuple précise sa vocation salutaire qui, au-delà de la guerre contre les puissances de la corruption, vise à ouvrir des horizons nouveaux au Tunisien, en tant que citoyen du monde qui a sa part dans la construction d'un avenir commun à l'humanité.