Ce qui me plaît assez dans la période que nous vivons, c'est de voir que mon concitoyen de tendance islamiste se réconcilie avec les méthodes de lutte politique qui ne reposent ni sur la violence ni sur ce fatalisme en lequel on confie à Dieu le soin de lutter pour soi.
Car notre problème en Tunisie, c'est que les "islamistes" sont passés presque directement de la clandestinité à l'exercice du pouvoir. Il n'y a pas eu de lutte pour la liberté. Ils ont défendu jusque-là un principe démocratique dont ils tiraient profit. Aujourd'hui, il s'agit pour eux de le défendre alors qu'ils ont été mis hors de la sphère du pouvoir et dans la position de l'opposant.
Pourquoi je m'en réjouis ? Parce que la liberté politique aime qu'on lutte pour elle. Mais aussi parce qu'elle aime qu'on mette de la diversité dans cette lutte. Ce qui veut dire qu'elle attend de nous qu'on dépasse nos conceptions figées en termes d'action, de revendication, de protestation... Et qu'on s'émancipe donc des clans qui se forment dans ce domaine, avec leur tendance à l'intolérance.
Mais ce qui me réjouit peut-être davantage, c'est que ce soit précisément l'islamiste qui soit engagé dans cette lutte pour la liberté politique. Parce que ce changement de posture peut, à terme, déboucher sur une relation à l'islam qui soit différente : débarrassée aussi bien de la haine de la modernité que du repli frileux sur les traditions familiales.
Toutes les révolutions culturelles qu'on peut rêver pour ce pays resteront de vaines illusions tant qu'on n'aura pas fait bouger cette relation. Ce qui signifie : tant qu'on n'aura pas converti l'islam à une plus grande ouverture sur le monde, sur l'autre homme, sur la réelle sainteté de la coexistence avec les autres nations... Et non, comme certains esprits arides le croient : tant qu’on n'aura pas jeté la pensée religieuse aux orties.