Héraclès est le prototype du héros occidental. Celui que sa force et sa bravoure lui font affronter des monstres invincibles, dans leurs formes diverses... Mais c'est aussi ce héros que sa puissance grandissante ne le prémunit pas de s'en prendre à ses propres enfants dans un geste de folie. Croyant se débarrasser d'un ennemi armé, il massacre des êtres sans défense. Il le fait avec le sentiment du devoir accompli.
Quel est le sens de cet épisode du mythe que l'on trouve chez le poète tragique Euripide ? Quelle clairvoyance est à l'œuvre dans ce que nous pouvons considérer comme une prémonition, à ceci près que les enfants massacrés aujourd'hui sont ceux des Palestiniens et non ceux de l'Occident ? Mais les enfants ne sont-ils pas nos enfants à tous, en même temps qu'ils sont les enfants de leurs parents et de leur terre ?
Vainqueur des monstres, l'Occident devient lui-même un monstre ! Et rien ne semble pouvoir l'arrêter, parce qu'il s'est mis dans la tête qu'il accomplit une œuvre nécessaire pour le bien de tous, pour la paix future des nations : ainsi d'Héraclès, l'épée à la main au moment où ses enfants tombent sous ses coups.
La prémonition du mythe nous suggère qu'il y a une folie de l'Occident et que nous n'en serons sauvés que lorsqu'elle l'aura quitté. Comme si l'esprit antique du poète avait pressenti dans la puissance de l'Occident cette sorte d'emballement par quoi le remède au mal qu'il croit administrer au monde devient lui-même le mal, suprêmement et "à la folie".
Comme si l'œil antique du poète voyait dans la fascination de l'Occident par sa propre puissance le risque d'un aveuglement devant le danger de ses errements…
Cette clairvoyance prophétique, c'est cela aussi l'Occident ! Puisse Dieu faire qu'il renoue avec cette ancienne sagesse, dont l'Orient a lui-même beaucoup à apprendre.