Quand le peuple adoube une violence d'Etat qui a perdu tous les attributs de la violence légitime, pour quelque motif que ce soit, on doit comprendre par là qu'il existe en l'homme, à côté de son rêve de liberté, un désir de servilité, dont le ressort est non moins puissant, et que de la même manière qu'on peut être surpris par la violence d'une insurrection quand elle surgit et chasse le despote, on peut aussi s'étonner d'une violence similaire par laquelle le peuple cherche à rétablir, sinon le despote, du moins le despotisme.
C'est-à-dire une justice qui se confond avec la volonté d'un homme et, s'il le faut, avec ses lubies. La brutalité et le mépris des procédures censées assurer le respect des personnes ne sont plus des objections.
Au contraire ! Ils sont vécus avec ce sentiment de satisfaction - plus ou moins avoué - que, enfin, la parenthèse de la liberté est refermée.
Le deuxième moment révolutionnaire, qui mûrit à l'ombre de ces développements et dont le surgissement est inéluctable, devra s'occuper de renverser, non pas tant le despote- qui n' a guère le profil du métier- mais cette volonté de servilité qui anime beaucoup d'entre nous.
C'est contre lui-même que le peuple devra d'abord s'insurger. De lui-même qu'il devra se libérer.