Assimilation ou intégration ? En France, le candidat Zemmour a remis cette alternative à l'honneur. Lui-même, comme chacun sait, est le défenseur de l'assimilation. C'est-à-dire, comme il l'explique, du renoncement à une part de son héritage propre pour faire place en soi à la France, à la mémoire de son passé, à la célébration de sa grandeur, à l'appropriation de ses ambitions.
Tel est le pacte dont il se revendique et qui, selon lui, ferait que l'arrivée sur le territoire français d'étrangers ne se traduirait pas par un "grand remplacement"... Pour résider en France et jouir des droits octroyés à tout Français, il faut donc se "convertir" à la France.
C'est d'ailleurs très exactement ce qu'ont fait les immigrés pendant très longtemps. Et c'est particulièrement vrai des Juifs venus s'installer en France en provenance des pays maghrébins, dans la période qui a suivi les indépendances : il en est à sa façon une illustration, même s'il pousse sans doute la logique de la chose plus loin que ne le feraient beaucoup de ses coreligionnaires.
La position de Zemmour, au-delà des excès rhétoriques, correspond bien au républicanisme français, qui ne tolère pas en son sein des "communautés" : ces foyers où l'on cultive ses traditions d'origine, où l'on perpétue un mode de vie venu d'ailleurs, où l'on continue d'accorder ses dévotions à un autre dieu que la France.
C'est vrai que ce sont les musulmans qui, par leur nombre et en raison d'une certaine vocation de l'islam à la résistance, ont rompu les équilibres de ce modèle. Paradoxalement, ils ont assumé à l'égard de la France un rôle joué autrefois par les Juifs, lorsque les Romains de l'antiquité exigeaient des citoyens du vaste empire qu'ils fassent allégeance aux dieux officiels et que les Juifs étaient les seuls à s'y refuser.
La situation n'est pas tout à fait identique, mais il est quand même intéressant de noter que le Juif français est souvent celui qui milite afin que soient consacrées les valeurs républicaines de la France - qui tiennent lieu en quelque sorte de ses dieux -, à l'opposé de ce que faisaient leurs lointains ancêtres à l'époque de l'empire romain.
On peut penser que la chose n'a pas échappé à l'observation de nos anciens concitoyens juifs. Et que c'est aussi quelque chose qui a poussé certains d'entre eux, les plus attachés aux traditions, à quitter la France pour aller gonfler les rangs des colons en Israël.
Une autre curiosité, qui est également relevée par les uns et les autres, c'est que les musulmans, partisans de fait d'un modèle d'intégration communautariste quand ils sont hors de leur pays d'origine, perpétuent dans ce dernier un modèle qui laisse peu de place à l'étranger et qui rejette dans les marges de la société tous ceux qui ne font pas partie de la famille arabo-musulmane.
Il y a de ce point de vue un problème d'incohérence à exiger pour soi ce qu'on refuse pour les autres. Et c'est ce qui fait que certains de nos concitoyens musulmans établis en France, sans argument face au reproche de cette incohérence, font le choix de se fondre dans la France et son républicanisme, en se rendant étrangers à leur propre famille et aux pays de leurs parents.