Il serait illusoire de croire que le sort des législatives n'ait pas été largement décidé par le premier tour de la présidentielle... L'irruption des deux figures entre lesquelles nous aurons à choisir dimanche prochain a bouleversé la donne et nous met tous devant un arbitrage décisif.
C'est dans ces moments que la volonté générale d'un peuple se révèle à elle-même, y compris dans son audace et sa façon de défier l'inconnu. Et il n'est pas exclu que les offres des différentes listes candidates au Parlement aient subi, à leur détriment, le contrecoup de la situation : l'enjeu qu'elles représentent du point de vue de la gestion concrète du pays et de ses régions a été comme couvert par l'écho d'un événement plus profond.
Le refus de reconduire le système de la corruption est un mobile puissant dans l'opération d'arbitrage qui nous attend. Il est cependant contrebalancé par la crainte qu'à la faveur d'une répétition de la poussée révolutionnaire - qui nous est proposée par ailleurs - ne surgissent, pour la confisquer, des forces dont le seul projet est de prendre une revanche sur la modernité.
Ce risque n'est pas nul, mais il est exagéré de façon artificielle par ceux qui craignent la nouvelle vague révolutionnaire, et plus encore par les tenants de l'ancien establishment, qui se sont accaparés le pays et ses richesses et qui voient d'un mauvais œil qu'on conteste leur statut de maîtres de céans.
Il appartient à chacun de choisir en conscience, dans une solitude difficile. Même si des gages sont donnés sur le caractère pacifique et légaliste de la réplique révolutionnaire, et même si l'horizon de cette réplique est une absorption et un assèchement des vocations extrémistes et, par conséquent, une pacification en profondeur du pays et de son arrière-pays, il y a une composante sombre qui fait partie de la poussée révolutionnaire qui sera présente et qui aura sans doute des ambitions de prise de pouvoir. Il ne s'agit pas de nier ce risque, mais il s'agit de le ramener à ses justes proportions, qui sont à notre avis modestes…
Mais que chacun est cependant libre d'apprécier à sa manière, en essayant peut-être de faire preuve de clairvoyance, et surtout d'indépendance par rapport aux milices de l'establishment.
Car il y a bien des milices aujourd'hui à l'œuvre, sur les réseaux et partout sur le terrain, pour mettre la peur au ventre parmi les braves gens. Et pour faire taire par l'intimidation et l'insulte tous ceux qui appellent à un choix souverain… Je peux moi-même en témoigner aujourd'hui, pour avoir subi leurs attaques. Ils portent en eux ce même démon qui agitait nos nuits et nos jours à l'époque de la dictature, en voulant soumettre le peuple à leur ordre par la censure et le viol des consciences.
Même s'ils n'agissent pas toujours à visage découvert, on devine en eux le même esprit servile au service d'un chef, le même zèle à combattre férocement et sans état d'âme tous ceux qui ne pensent pas à l'unisson de leurs slogans. C'est aussi cela la "corruption" avec laquelle nous sommes appelés à rompre.