L'attaque d'Israël contre le Hezbollah libanais s'inscrit dans une vaste opération en laquelle l'Iran est la cible ultime et par rapport à laquelle Israël lui-même sert d'avant-poste militaire à une armée plus vaste et plus invisible.
Ce à quoi on assiste, depuis le 6 octobre dernier en fait, n'aurait probablement pas eu lieu si les accords de Vienne au sujet du nucléaire n'avaient pas été désavoués par les Etats-Unis. Ces accords stipulaient que Téhéran ne donne pas une tournure militaire à son programme nucléaire. Pour des raisons qu'il est difficile de connaître, et qui tiennent peut-être à des informations secrètes, l'Occident a considéré que l'Iran ne renonçait pas à ses anciens plans. Même si c'est le fantasque Donald Trump qui s'est chargé à l'époque de s'acquitter de la mission de l'annulation de l'accord, pendant que les autres faisaient mine de protester, le résultat est là.
Il est vrai en même temps que l'importance accordée au nucléaire, pour un pays qui dispose de ressources énergétiques enviables, peut donner à penser que l'élément stratégique demeure primordial. Le réseau d'alliances idéologiques et militaires qu'entretient l'Iran au Liban, au Yémen, en Irak et dans d'autres pays aussi, conforte par ailleurs l'hypothèse d'une posture offensive dans la région du Moyen-Orient, ou disons d'une posture faussement défensive.
Il semble en tout cas que cette lecture n'ait pas seulement reçu l'approbation des chancelleries occidentales : les régimes des pays du Golfe l'ont partagée, pour la plupart.
Or, aujourd'hui, l'Iran est attaqué, aussi bien directement qu'à travers ses alliés de la région. Il est attaqué et il subit. Sa réponse pourrait venir. La guerre est aussi l'art de temporiser. Mais elle pourrait aussi ne pas venir. Parce que l'étau se referme d'une manière telle que la réponse ne ferait qu'aggraver la situation.
Quoi qu'il en soit, on ne peut pas écarter le scénario d'un effondrement de l'Iran. On ne peut pas exclure que vive ses derniers jours le projet de "revanche contre l'Occident" qu'offrait l'Iran au monde musulman…
C'est sans doute, pour beaucoup, une potion très amère à avaler. Tant la blessure des humiliations est profonde, en particulier celle de la Palestine. Mais l'éclipse de la donne iranienne sur le jeu géopolitique n'aurait pas que des inconvénients. Elle mettrait le monde musulman face à son obligation de concevoir d'autres perspectives pour l'avenir : des perspectives qui, sans se laisser séduire par les sirènes du modèle occidental, sauraient explorer des voies que ne domine pas la logique "populiste" de la revanche et de la vengeance.
Ces voies existent, à qui veut bien se donner la peine de scruter l'horizon en dehors des sentiers battus.