Je ne trouve rien à redire au fait qu’une voix s’élève de temps à autre pour rappeler aux esprits religieux que le temps de la naïve crédulité et de ses superstitions est un temps révolu. Surtout si, de l’autre côté, il y a des gens qui, pour des raisons qu’on devine, s’affairent activement à perpétuer cette forme de croyance qui n’est pourtant plus de mise à notre époque.
Elle n’est plus de mise parce que l’esprit critique n’est pas une posture intellectuelle qu’on peut laisser aux autres, en se réservant le droit de poursuivre sa vie indépendamment des progrès qu’il a réalisés dans l’humanité. Le faire, c’est insulter ses propres aptitudes à la saine réflexion et c’est aussi, en quelque sorte, se marginaliser, se replier dans une forme de vie sectaire.
Mais ce qui me dérange de la part de ces messagers médiatisés du rationalisme moderne, c’est qu’au nom de la guerre contre l’esprit superstitieux, ils nous invitent de façon implicite à les rejoindre dans un monde qui a sa propre indigence. Parce qu’il ressemble fort à un désert spirituel. Et qu’ils le font avec l’assurance et l’arrogance du missionnaire prosélyte, qui ne supporte pas qu’on ne pense pas comme lui.
Tant qu’on n’aura pas donné à notre vie religieuse la possibilité de se réinventer, de s’émanciper de certains tics anciens, on aura sans doute à subir la voix sonore et prétentieuse de ceux qui croient nous montrer le bon chemin en matière de pensée. Et qui, en réalité, n’ont rien à envier à ceux qu’ils accusent d’ignorance et de ridicule en termes d’intolérance.
La tradition, comme refus de la modernité, s’est donné ses prêtres, qui continuent de combler certaines sottises religieuses de leurs bénédictions mais, de l’autre côté, en sauveurs des Lumières, s’est formée une autre armée de prêtres, encore plus intrusifs dans leur volonté de se faire une place dans nos consciences.
Je voudrais rappeler ici qu’il existe une vie de l’esprit en dehors de ces deux voies, à l’abri des tutelles qui veulent finalement nous réduire, les uns comme les autres, à une tête dans un troupeau.