Il y a une sorte de sémantique malheureuse de l'indignation... Ne s'indigner des injustices que dans la mesure où elles collent à nos partis-pris politiques, en opposant parfois un lourd silence face à d'autres injustices, pourtant si injustifiables, si abominables, est une tendance assez générale au sujet de laquelle il me semble utile de s'inquiéter...
Parce qu'à suivre cette tendance, en conditionnant son indignation à telle ou telle considération, c'est d'abord la capacité de s'indigner qui s'en trouve érodée et c'est ensuite le malheur des hommes qui devient comme le support de nos prises de position personnelles…
Dans le cas d'espèce, on a tué des hommes et des femmes pour la seule raison qu'ils appartenaient à une certaine religion. Il n'y avait pas une situation de guerre, pas de menace, pas de "circonstances atténuantes" d'aucune sorte...
Le caractère abominable de l'injustice vient de ce qu'elle est à la fois grave par son ampleur et gratuite par son mobile. C'est pourtant un cas qui risque fort d'être minoré - à travers la faiblesse des réactions qu'il suscite - parce que nous nous sommes installés dans ce système de l'indignation conditionnée.
Et que personne ne s'avise de condamner... Gardez fièrement le silence, soyez les intellectuels futés que vous avez toujours été et à qui on le ne la fait pas.
Vous allez y perdre en humanité ? Mais vous en avez à revendre de l'humanité. N'êtes-vous pas les valeureux défenseurs de la vraie vérité… Vous devenez les amis des terroristes, les défenseurs de leur barbarie ? Mais non enfin, ce n'est pas possible, puisque vous avez les islamistes en haine : ça vaut toutes les immunités…
Ou de l'art de cultiver sa misère intellectuelle et morale.