La politique est ce terrain de jeu où l'homme s'adonne à l'art de la dissimulation et du simulacre. Beaucoup ont l'air de le découvrir pour s'en désoler : "Tous des hypocrites", ne cessent-ils de crier. Mais que voulez-vous que ce soit d'autre. C'est de vous qu'il faudrait dire : "Tous des candides !"
Le problème n'est pas que le politique soit hypocrite, il est qu'il joue mal. Exactement de la même manière qu'on dirait d'un acteur de théâtre que son jeu est artificiel, sans conviction. C'est ce qui arrive généralement quand il se regarde jouer. Parce qu'il tient à garder un œil en dehors de la scène. Ou qu'il ne parvient pas à s'arracher entièrement au monde réel et à sa "vérité".
Mais on sait très bien que l'accusation d'hypocrisie compte parmi les attaques pratiquées dans la joute démocratique, pour décrédibiliser un adversaire. On joue, en la confortant, sur la croyance du plus grand nombre, qui s'attend naïvement à une démonstration de sincérité de la part des acteurs politiques.
Les islamistes représentent de ce point de vue une cible de choix, en raison du "double jeu" qu'ils pratiqueraient. Mais la rhétorique anti-islamiste, si perspicace qu'elle puisse être, pèche par sa façon d'entretenir l'illusion qu'en dehors de l'islamisme, il n'y a que de pieux dévots à la Vérité.
Du reste, s'il y a parmi les militants islamistes des gens qui feignent d'avoir pour la démocratie et ses règles de la sympathie, alors qu'au fond ils nourrissent envers elles du mépris, il est très intéressant de noter que beaucoup de ceux qui lui en adressent le reproche pourraient se voir attaquer exactement sur le même registre.
Les uns et les autres pratiquent l'hypocrisie et, encore une fois, le mal n'est pas qu'ils le fassent : il est qu'ils le font mal. Que ce sont de piètres acteurs. Et qu'avec eux la pièce est ennuyeuse.