Le Maghreb a été durement frappé ces derniers jours. En son occident et en son orient. La nature nous réserve parfois de ces violences qui emportent avec elles humains et bêtes sans distinction.
Cette violence aveugle du tremblement de terre comme de la tempête et de ses déluges a souvent été utilisée par la pensée athée pour rappeler l'absurdité de toute idée de justice divine. Si, dit-on, Dieu est omnipotent, si tout ce qui advient en ce monde a nécessairement reçu l'aval divin, comment peut-on concevoir qu'il ait permis qu'arrivent pareils événements où l'innocent et le méchant sont pareillement broyés, où le pauvre qui subit déjà l'injustice dans son existence quotidienne est même projeté aux premières loges du désastre parce que son habitation est plus fragile et plus exposée ?
La réponse qui prétend que ces malheurs sont le fait d'une punition collective dont la justice nous échappe relève elle-même d'un cynisme qui ne fait que renforcer le triomphe de l'athée en ce genre de circonstances. Pour lui, on peut concevoir un Dieu omnipotent et on peut concevoir aussi un Dieu juste, mais on ne peut pas concevoir que les deux soient le même Dieu.
Les philosophes eux-mêmes ont eu bien du mal à se tirer d'affaire face à telle objection. Leibniz nous parle d'un Dieu qui veut le "meilleur des mondes possibles", en précisant que ce meilleur possible n'est pas indemne de malheurs pour l'homme. Il faut donc accepter ce qui arrive comme on accepte la loi des possibles.
Il me semble qu'une solution au problème consisterait à rappeler que la difficulté ne vient qu'à partir du moment où l'idée que l'on se fait de Dieu est enfermée dans celle du protecteur. Dieu serait le gri-gri universel et toute une théologie verserait dans cette sorte de paganisme persistant. Mais Dieu ne nous protège pas du mal : il nous protège seulement de l'effet que le mal peut avoir sur nos âmes.
Les anciens Grecs voyaient dans le héros tragique celui chez qui l'épreuve du mal rapproche des dieux. Peut-être avons-nous à apprendre encore d'eux.