Viendra peut-être un jour, pas si lointain, où nous nous rendrons compte qu'il y a mieux et plus dans la coutume qui consiste à écrire un journal que dans la pratique de l'échange sur Facebook… C'est toute la différence entre conjurer la solitude dans une sorte de vacarme général et apprivoiser sa solitude par la musique des mots.
Quel peut être l'échange entre humains, d'ailleurs, si cette action d'apprivoisement n'a pas eu lieu ? En quoi le contact des êtres peut-il donner lieu à des ouvertures, à des échappées ?
C'est dans la solitude - celle qui est pleinement acceptée - que s'engage ce corps-à-corps bénéfique avec les mots, avec la langue (qu'elle soit maternelle ou adoptive), qui fait de nous des artisans, des bâtisseurs de cathédrales : chacun de nous, tout en scrutant son âme - cette chose insaisissable -, apporte à l'édifice linguistique des tonalités et des sonorités qu'il est seul à pouvoir apporter et qui, dans leur sincérité, deviennent aussitôt irremplaçables et essentielles à l'ensemble.
Et chacun de nous sait aussi que les mots arrachés au silence et sculptés dans le marbre de la grande musique du monde ne font symphonie que parce qu'ils résonnent à l'unisson avec tous les autres mots qui ont surgi dans le passé et qui surgissent aujourd'hui encore, d'une multitude d'âmes dont il ne serait pas permis que manque à l'appel la moindre d'entre elles.
Tel est le sens de notre habitation commune sur terre : habitation linguistique ! C'est par la langue et dans la langue que nous apportons notre contribution et c'est par la langue et dans la langue que nous célébrons dans la joie l'écho de la symphonie qui résonne pendant que nous faisons jaillir les sons des mots dans leurs infinies nuances.
Cela, ce n'est pas le brouhaha de nos bavardages, qui sont lassants et dont Facebook n'est pas avare. Mais que cet "espace" me permette de dire ce qui précède, jusqu'à dénoncer la déchéance - à la fois linguistique et sociale - qu'il représente, c'est un mérite qu'on ne saurait lui dénier.