Dès la fin de la Première guerre mondiale, et dans le prolongement de réflexions émanant de philosophes comme Emmanuel Kant, l'urgence s'est exprimée de mettre en place une instance internationale chargée de veiller à préserver la paix entre les nations et les peuples. Cette exigence a donné naissance à la Société des Nations. Mais c'était une première mouture apparemment décevante si l'on en juge par la suite des événements sur la scène internationale. En effet, cette Société des Nations n'a rien pu faire contre la montée des périls et finalement contre le déclenchement effectif de la Seconde Guerre mondiale. D'où la conception d'une seconde mouture, qui est l'Organisation des Nations Unies, avec son Conseil de Sécurité, qui est l'organe plus spécialement dédié à la prévention des conflits.
La seconde mouture, née au terme de la Seconde guerre mondiale, était-elle meilleure que la première ? Peut-être. Mais alors pas de beaucoup. A peine sortie des affres de cette Seconde guerre mondiale, l'humanité a eu à faire face à la confrontation Est-Ouest : une "guerre froide" avec ses menaces atomiques aux accents apocalyptiques, qui n'empêchait pas qu'éclatent ça et là des "guerres conventionnelles" plus ou moins meurtrières dans un contexte général de décolonisation…
Aujourd'hui que le "bloc communiste" appartient au passé, ainsi que l'époque des colonies européennes en Afrique et en Asie, disposons-nous à nouveau d'une véritable instance de prévention des conflits ? On pourrait difficilement répondre par l'affirmative. Au moment où l'Etat d'Israël multiplie les crimes de guerre au mépris de toutes les dispositions existantes, et où il persiste et signe de semaine en semaine à coup de bombardements qui n'épargnent ni écoles ni hôpitaux, le seul point de vue possible sur le Conseil de Sécurité est probablement que c'est une coquille vide.
La chose était déjà apparue avec évidence lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie : c'est-à-dire par un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Cette fois, c'est les Etats-Unis - autre membre permanent dudit Conseil - qui, en apportant leur soutien à Israël, marquent l'état de décomposition avancée dans lequel se trouve le droit international en matière de guerre et de prévention de la guerre…
A vrai dire, on voit bien que le droit international en matière de régulation du commerce mondial est lui aussi dans un triste état. Dans bien des domaines, c'est la loi de la jungle qui reprend ses droits, et l'humanité semble observer cette évolution inquiétante dans une sorte d'apathie, ou de toute façon d'impuissance.
Mon modeste avis sur le sujet est que le travail philosophique mené dès le 17e siècle autour de la paix entre les nations devrait être repris à nouveau frais, avec une analyse sérieuse des causes qui ont mené à l'échec des moutures mises en place…
Au-delà de l'urgence qu'il y a à disposer enfin d'une instance de recours forte face aux cas d'agression, d'un arbitrage qui ne se laisse pas affaiblir par la contestation des uns et des autres, il y a un besoin que les intellectuels de tous horizons se mobilisent dans un élan commun afin que le monde de demain, celui de nos enfants, ne soit pas livré à la barbarie de la loi du plus fort.
Si les sages de ce monde pouvaient sortir un peu de la pénombre de leurs bureaux et de leurs amphithéâtres, ou quitter les feux de la rampe de leurs conférences où ils s'abandonnent souvent au plaisir douteux de s'écouter eux-mêmes, peut-être cette montagne qui se dresse devant nous présenterait-elle des chemins d'accès possibles : des voies qui pourraient redonner de l'espoir.