Vendredi dernier, 9 octobre, a eu lieu au Maroc, dans la ville côtière de Skhirat, une conférence de presse au cours de laquelle l’émissaire de l’ONU pour la Libye, M. Bernardino Leon, a annoncé la composition d’un gouvernement d’unité nationale. Cette annonce, qui reste à valider par les deux formations rivales au pouvoir en Libye, est le résultat de plusieurs mois de négociation. Elle intervient après la date butoir qui avait été fixée par l’émissaire au 20 septembre dernier : date à laquelle, toutefois, un texte de base avait été mis au point qui devrait servir de feuille de route… Mais la partie n’est pas gagnée. C’est du côté du Congrès général national, établi à Tripoli, que des grincements de dents se font entendre, provenant de ce que les observateurs appellent des «ailes dures».
Il semble en tout cas que, malgré tous les obstacles dressés devant le compromis, du chemin ait été parcouru. Le principe d’un accord politique est clairement acquis. Avec beaucoup d’autres pays, la Tunisie, voisin de l’Ouest, a poussé dans ce sens. Le voisin de l’est, l’Egypte, farouchement hostile aux islamistes au départ, s’est ravisé et se rallie aussi à l’option de leur participation au pouvoir. Le dernier voyage de Béji Caïd Essebsi au Caire avait pour but essentiel d’harmoniser l’approche de manière à accompagner le voisin commun vers une sortie de crise qui soit viable et profitable pour tous.
Il reste que même dans le cas où l’accord autour du futur gouvernement était entériné par les deux camps, la tâche de ce gouvernement serait redoutable. Le dossier sécuritaire serait le gros morceau, avec la menace de contagion de l’EI, implanté déjà du côté de Derna, mais aussi et surtout avec le problème de la dissémination des armes au sein de la population et la difficulté, par conséquent, de neutraliser les nombreuses milices qui se sont formées au lendemain de la chute de l’ancien régime.
Le gouvernement serait un gouvernement «de transition» et il aurait deux ans pour préparer de nouvelles élections, en veillant à ce que les conditions du scrutin soient telles que personne ne puisse sérieusement en contester les résultats, comme ce fut le cas en juin 2014.
Rappelons que ces dernières élections, boudées par la population et boycottées par les islamistes quant à leurs résultats, sont la cause de la crise. A la désaffection populaire, se sont, bien sûr, ajoutées les craintes d’un scénario à l’égyptienne… Quoi qu’il en soit, le désarmement des milices et la reconstitution d’une armée nationale, dont la mission première serait de venir à bout de l’Etat islamique sur son territoire serait l’objectif numéro 1. Un objectif difficile mais qui, s’il était atteint, créerait déjà les conditions d’une cohésion nationale autour d’une lutte et, si possible, d’une victoire commune contre l’ennemi terroriste.
Le facteur sociologique en quoi tout le monde reconnaît un frein en vue d’un accord, à savoir le fort sentiment d’appartenance tribale, continuerait assurément de produire quand même son effet négatif. L’équipe au pouvoir devra composer habilement avec cet élément, en faisant attention de ne pas réveiller les susceptibilités. En impliquant aussi la femme libyenne aux postes de responsabilité, dans la mesure où la femme est un mauvais vecteur de l’esprit tribal et, à l’inverse, un bon vecteur de développement local et d’action humanitaire. C’est en tout cas ce que réclame une membre de la Commission de dialogue national libyen, Mme Naïma Jibril, dans une déclaration faite à la presse à Skhirat, le 9 octobre dernier : «Les femmes libyennes sont capables de jouer un rôle positif au sein du futur gouvernement», avait-elle dit en substance.