La morale de l'histoire est que notre belle Constitution a besoin d'une Cour constitutionnelle qui en propose une lecture intelligente et capable de nous placer au-dessus des calculs partisans et personnels. Et que si nous continuons de fonctionner sans elle, nous allons être conduits à des chamailleries sans fin, qui n'apporteront pas de vraie réponse aux situations de grave blocage dans lesquelles nous nous retrouverons souvent, et dont nous ne nous dégagerons que par de mauvais compromis.
Bientôt tout le monde va s'imaginer que notre Constitution est la pire de toutes, parce qu'elle ne cesse pas de provoquer des crises. Alors qu'une Cour constitutionnelle, réellement compétente et indépendante, serait à même d'offrir des issues et de révéler par la même occasion le potentiel caché de notre texte fondamental.
Le petit problème dans tout ça, c'est que voilà plusieurs années que nous savons que cette cour doit prendre place dans le paysage de nos institutions et que nous ne parvenons pas à l'installer. Nous savons aussi que ce qui entrave sa venue, c'est l'incapacité de nos partis à s'entendre sur la composition de ses membres.
Mais cette incapacité elle-même tient au fait que notre pensée juridique reste prisonnière, non seulement de références doctrinales divergentes, mais de l'élément de la divergence lui-même. Peut-être que le point de vue philosophique du problème est ici ce qui manque. Car c'est lui qui peut le mieux ramener les uns et les autres à ce niveau de profondeur où se réconcilient les différents projets en surmontant leurs oppositions.
Mais ce point de vue requiert que ceux qui seraient amenés à l'apporter ne se soient pas eux-mêmes laissé embrigader. Qu'ils soient plus dégagés des emprises idéologiques qu'engagés, que militants sous telle ou telle bannière. Car ne soyons pas naïfs à ce sujet, le métier de philosophe sous nos latitudes aurait besoin d'une sérieuse remise à jour de sa définition.