Quelle est la légitimité de la candidature de Abir Moussi ? Le fait qu'elle recueille la sympathie et la gratitude de tous ceux qui s'estiment lésés par la révolution - parce qu'ils n'y trouvent pas leur compte et parce que la liberté n'entre pas chez eux en ligne de compte - cela lui confère-t-il de la légitimité et, si oui, de quelle espèce de légitimité ? Car elles ne se valent pas toutes.
Mais une certaine honnêteté voudrait qu'on reconnaisse que les admirateurs de Abir ne sont pas seulement à chercher du côté des nostalgiques et des fatigués de l'Histoire.
Il y a quelque chose qui paraît plus estimable et qui repose en gros sur l'idée que nous vivons actuellement une réalité voulue par l'étranger, dans la mesure où la révolution a été provoquée et organisée par lui. Et que, par conséquent, la reconquête de sa propre souveraineté nationale passe nécessairement par un retour en arrière et par une déconstruction de la révolution.
L'idée se défend. Mais elle repose sur deux présupposés naïfs : premièrement, que les gouvernants qui se sont affublés de titres pompeux avant la révolution étaient réellement indépendants des puissances étrangères et de leurs stratégies et, deuxièmement, qu'il suffirait de revenir en arrière pour retrouver notre souveraineté comme on retrouverait par terre un objet qu'on a fait tomber en chemin…
Deux croyances qui reflètent l'état de dénuement intellectuel qui est celui d'une partie de nos concitoyens, à divers niveaux de l'échelle sociale.
La légitimité
La légitimité dont il est question ici est plus morale que légale. Et je prétends, oui, que toutes les légitimités ne se valent pas : celle d'un candidat dont le programme affiché est de nous faire rebrousser le chemin de l'histoire n'est pas celle d'un candidat qui se propose de nous amener à surmonter courageusement les obstacles sur la voie qui mène vers la relance de l'activité économique, la réconciliation et, enfin, une souveraineté nationale qui ne soit pas synonyme de rhétorique vide et d'esbroufe (comme nous en ont abreuvé les deux dictatures, par-delà leurs différences de style).