L'identité n'a pas bonne presse. Parmi les reproches qu'on fait à notre révolution, celui d'avoir remis à l'ordre du jour la question de notre identité... On parle aussi d'identités meurtrières, et bien des épisodes de l'histoire récente offrent une illustration du lien sanglant qui existe entre vie politique et affirmation de l'identité.
Mais ces mises en garde reposent sur une approximation de langage, car ce n'est pas l'affirmation de l'identité qui est en cause, c'est le fait que cette affirmation se présente sous une forme négative : elle ne dit pas ce qu'on est, mais ce qu'on n'est pas. Elle ne revendique un héritage qu'en expulsant une de ses parties.
Et le conflit s'emballe et devient meurtrier lorsque les défenseurs de la partie de l'héritage visée par l'expulsion se dressent contre les expulseurs et cherchent à les contre-expulser. Chaque partie se présente alors comme le tenant d'une pureté nationale, qu'il pose comme un fait acquis.
Nulle dialectique ici qui remonterait le fil de l'histoire pour attribuer à chacun son dû : on est dans la logique du rapport de force, du choc de style béliomachique, jusqu'à épuisement des protagonistes…
C'est seulement quand ce cycle polémique s'achève qu'il devient à nouveau possible d'entendre une voix qui parle de conciliation possible des contraires, et du fait que la terre a une vocation naturelle à accueillir en son sein, à faire que l'étranger devienne enfant du pays et que l'habiter, cette terre, c'est aussi aimer son hospitalité.