Si le beau est seul ce qui peut nous sauver, il convient de s’entendre sur ce que veut dire le mot. Nos trois amis s’affairent depuis quelques rencontres autour de cette difficulté. Mais il était temps d’en venir à ce que nous dit Kant à ce sujet…
Ph : Nous avons cédé à la digression la dernière fois : je me suis promis de veiller aujourd’hui à ce que ça ne se reproduise pas. Nous devions parler d’esthétique, dans sa conception kantienne : or j’estime que ce n’est pas un détour facultatif. Même si la pratique de l’art semble s’être beaucoup éloignée de ce qu’on trouve énoncé comme principes dans la troisième Critique, il me paraît difficile de saisir l’art occidental dans son devenir sans faire le détour par Kant.
Po : Il y a eu bien des révolutions dans le domaine de l’art occidental ces derniers siècles et je ne vois guère de spécialistes qui, pour en rendre compte, accorde à Kant une importance particulière de nos jours. Il fut un temps où Hegel et Schopenhauer étaient la référence philosophique incontournable, puis ils ont eux-mêmes été éclipsés par des penseurs plus récents. Le retour à Kant, qui est de mon point de vue nécessaire, mérite donc explication.
Ph : Un des commentateurs de Kant a eu cette formule éclairante, qui est la suivante : «Les choses ne nous plaisent pas parce qu’elles sont belles mais sont belles parce qu’elles nous plaisent.» C’est dans ce renversement qui accorde au sujet le pouvoir de conférer de la beauté aux choses, tout en déniant à ces dernières la possibilité d’être belles en elles-mêmes, que se situe le virage «esthétique» en lequel on a reconnu, pour notre part, une rupture dans l’histoire de l’expérience occidentale du beau. Et une rupture sans laquelle on ne comprendrait rien à toutes les évolutions récentes.
Po : On y a vu le signe que l’Occident perdait le fil d’une expérience forte. Et sans doute y avons-nous deviné aussi ce qui a rendu possible cette instrumentalisation de l’art à des fins politiques, selon ce que nous en avons dit la dernière fois. Car il me paraît assez évident qu’à partir du moment où la beauté ou la laideur d’une chose se décident au niveau du sujet, il devient possible de susciter du beau de façon artificielle en poussant le sujet à le considérer comme tel, moyennant une action sur les facultés critiques de ce dernier. D’où l’importance d’abord des «stupéfiants» dans le monde des arts en Occident, et ensuite des «modes» et des «tendances», qui dictent au sujet ce qu’il doit considérer comme beau et ce qu’il doit considérer comme laid.
Ph : Sans doute que l’esthétique de Kant a pu préparer le terrain, mais on y trouverait assez d’éléments pour s’opposer aux dérives auxquelles tu fais allusion. C’est ce qui rend la chose étrange. N’importe quel théoricien de l’art moderne verrait en Kant un représentant du classicisme le plus désuet. Et pourtant c’est avec Kant que tout se joue…
Md : Pourquoi ?
Ph : Parce que Kant confère à la position subjectiviste la solidité d’une assise métaphysique. C’est lui qui, à partir de l’ego cogito cartésien, refonde l’ensemble de l’activité de pensée de l’homme —y compris celle du jugement esthétique— en mettant en avant son argument transcendantal : comment tel acte de pensée est-il possible ? C’est sa démarche systématique : en toute chose, rechercher les «conditions de possibilité». Ce qui veut dire : revenir à ce qui, en matière de jugement sur le beau en l’occurrence, ne peut pas ne pas être ainsi. Sous peine d’entrer en contradiction avec le fondement général, qui est la certitude du sujet se sachant lui-même : l’ego cogito !
Po : Il y aurait donc un cartésianisme de Kant. Malgré des critiques décisives contre le philosophe français, si je ne me trompe. Après tout, si la pensée kantienne se présente comme une «critique», il est bon de rappeler que cette critique est d’abord tournée contre une sorte de naïveté dont Descartes n’est pas indemne. Il s’agit de la naïveté en vertu de laquelle on accorde à l’objet de notre perception le statut de chose existant en dehors et indépendamment de notre perception.
Ph : Oui, Kant reprend en effet —au sens de corrige— toute une tradition à laquelle il reprochera son sommeil critique. Et Descartes en fait partie. Mais cette reprise, il l’engage en partant du projet cartésien lui-même, c’est-à-dire de la volonté de ne rien tenir pour vrai qui n’ait été établi comme tel par la «lumière naturelle» de la raison. Cette position comporte le refus de toute vérité qui s’imposerait à l’homme à partir d’un argument d’autorité : que cet argument provienne d’une instance théologique ou politique qui voudrait s’immiscer dans l’activité de recherche de la vérité, ou qu’il se cache à l’intérieur des préjugés communs qui se font passer pour des évidences.
Kant prétend adopter sur ce terrain une démarche plus rigoureuse et plus systématique. Son entreprise va consister à délimiter le territoire du possible, aussi bien dans le domaine de la connaissance objective que dans celui des jugements qui posent des fins dans l’histoire ou qui reconnaissent du beau dans les choses.
Md : Je me doutais que cette virée kantienne serait pour moi pleine de dangers. Vous allez devoir faire preuve de patience. Je comprends que Kant joue dans toute cette affaire le rôle de l’architecte qui pose certaines fondations sans lesquelles l’édifice en hauteur ne pourrait pas prendre les formes changeantes qu’on aperçoit aujourd’hui.
J’essaie de comprendre. Quel est, pour commencer, le territoire du possible en matière de jugement de beau tel qu’il est délimité par Kant et que faut-il entendre exactement par cette expression de «territoire du possible» ? D’autre part, quel est le lien entre le centre de gravité accordé au sujet et le fait que l’art d’aujourd’hui prenne les formes qu’il prend : y a-t-il une causalité précise qu’on pourrait mettre à nu entre les deux événements ? Je n’ai pas fini.
J’ai une troisième question qui comporte une note critique par rapport à ce qui a été dit depuis la semaine dernière : on parle d’une instrumentalisation de l’art à des fins politiques, en laissant entendre que cette instrumentalisation est le résultat d’un changement de statut du beau, en ce sens que ce dernier n’est plus ce face à quoi l’homme est dans la déférence, voire dans le besoin du sacrifice de soi. Or nous voyons qu’en Occident, au Moyen-âge et plus tard dans la période de la Renaissance, il y a bien eu utilisation de l’art.
Toutes ces fresques et toutes ces statues qu’on peut voir aujourd’hui dans les églises, quand on a l’occasion de se rendre dans un des pays européens, témoignent d’une instrumentalisation de l’art, dont le but était probablement de créer une homogénéité spirituelle mais aussi politique au sein de populations ethniquement diverses et plus ou moins dépaganisées… C’est vrai aussi de la peinture et de la musique sacrée. En un sens, rien n’a changé : l’artiste est toujours au service du politique, prêt à mettre son savoir-faire à contribution dans l’œuvre de transformation des consciences et des identités.
Ph : Merci de ces questions : elles sont tout à fait pertinentes. Je commencerai par la dernière. Oui, en effet, il y a eu dans le passé lointain, et bien avant le renversement kantien de la relation au beau, quelque chose comme une instrumentalisation de l’art. En un sens, c’est vrai, rien n’a changé. L’artiste, à vrai dire, a connu ce statut bien avant la venue du christianisme : il suffit de considérer les grandes civilisations orientales : l’Egypte, la Mésopotamie, la Perse…
Po : Le recours à l’art pour des considérations politiques par les anciennes civilisations d’Orient avait davantage pour but de susciter la crainte parmi le peuple que le sentiment du beau.
Md : Le thème de l’enfer n’est pas absent de certaines représentations en terre chrétienne. Songez aux tableaux du hollandais Jérôme Bosch… J’ai le souvenir aussi de sculptures assez terrifiantes sur les façades de certaines cathédrales.
Ph : La ressemblance ne devrait pas nous abuser. Les représentations de l’enfer en terre chrétienne côtoient celles du Christ en croix : celles du fils de Dieu livré à la mort. Celle de Dieu lui-même livré à la mort à travers son fils. L’enfer ne renvoie pas ici à une volonté de maintenir le peuple dans un état de terreur face à la puissance de la divinité et face à celle de ses représentants terrestres.
Il vise plutôt à rappeler et à rendre plus vivace le caractère hideux et éternellement malheureux de l’état auquel se condamne tout fidèle qui trahit l’alliance sacrée avec le Dieu qui a donné sa vie pour la rédemption et pour la vie éternelle de l’homme. Même si la pratique de l’Eglise a pu évoluer ensuite dans le sens d’une culpabilisation de l’homme, voire d’une manière de le terroriser afin de le dompter, on ne peut faire l’amalgame en suivant l’exemple de ceux qui sont volontiers dans le dénigrement dès qu’il s’agit de religion.
Mais revenons à la question qui nous occupe, et qui porte sur l’utilisation politique de l’art avant l’arrivée de Kant. Il est bien vrai, donc, que l’art a été mobilisé pour christianiser les anciens habitants de l’Europe. A l’époque où peu de gens savaient lire et écrire, l’image —peinte ou sculptée— jouait un rôle essentiel pour amener les esprits à se figurer tel ou tel épisode de la Bible ou des évangiles, telle légende attachée à un saint personnage, etc.
Mais cette action de rassemblement autour d’un récit, qui avait incontestablement un caractère politico-culturel, présentait aussi la particularité d’amener chaque homme et chaque femme à prendre conscience de la valeur infinie de leur vie : Dieu n’était-il pas descendu du ciel et n’avait-il pas accepté de traverser l’épreuve de la mort en la personne de son fils afin que soit sauve la vie de chacun ? Que l’on croie ou pas à cette version théologique de l’Histoire, on ne peut ignorer le message et sa portée sur l’individu… Or à quoi va-t-on assister après Kant, à notre époque moderne ?
Nous allons assister à une utilisation de l’art qui, parce qu’elle s’allie au stupéfiant ou parce qu’elle est elle-même une forme de stupéfiant, pousse l’homme à déserter sa vie, à y renoncer, à se perdre dans un plaisir qui rend indistincte toute frontière entre le je et le reste du monde. Car en quoi est-ce que je suis l’être unique que je suis lorsque je m’abandonne à un plaisir qui me fait ressembler à n’importe qui d’autre, et qui me rapproche peut-être plus de l’animal que de l’homme d’ailleurs. Je pense ici à ces concerts populaires où les jeunes se livrent à une transe abêtissante sous l’effet de la musique, en buvant de l’alcool et en fumant du haschisch…
L’instrumentalisation politique de l’art vise ici à amener le sujet à se dessaisir de soi, de manière à se prêter ensuite à une perception de son identité qu’on lui aura suggérée : soit pour contrer une tentative adverse d’embrigadement, soit pour aller grossir les bataillons des travailleurs au service des entreprises dont les gains servent à nourrir l’Etat par le biais de la fiscalité, soit encore pour aller consommer de façon compulsive des produits largement inutiles et ainsi absorber la production d’autres entreprises…
Bref, après Kant, il y a une instrumentalisation de l’art qui est synonyme de perte de soi du sujet. Il faut que le sujet se perde pour pouvoir le récupérer ensuite selon un plan défini à l’avance.
Po : Ce qui est assez paradoxal, car on a parlé à propos de Kant d’une centralité du sujet. Comment est-on passé de la centralité à la perte ?
Ph : Il y a, je crois, une sorte de vertige de la centralité pour un sujet qui demeure foncièrement solitaire. C’est la rançon de sa volonté d’autonomie sans concession. Le vertige devient fragilité ; la fragilité devient sentiment d’insécurité et le sentiment d’insécurité devient besoin d’affirmation identitaire. C’est à ce niveau qu’intervient l’art moderne, dans sa diversité : soit pour ramener héroïquement le sujet au spectacle de son vertige à travers des œuvres qui se veulent abstraites, auquel cas le sujet est préservé dans son intégrité, dans sa fragile intégrité. Soit pour répondre à son besoin d’affirmation identitaire au détriment de son statut de sujet autonome, par sa conversion en ce qu’on pourrait appeler une «particule de foule» : et c’est là que l’élément du stupéfiant qui provoque la perte de soi entre en jeu.
L’affirmation identitaire peut de son côté puiser dans l’un ou l’autre de ces deux registres que sont la tradition ou la révolte… Et l’on voit bien d’ailleurs que les sociétés occidentales sont généralement partagées dans leurs populations entre les individus qui penchent du côté d’une affirmation identitaire qui s’appuie sur la tradition et ceux qui sont dans une posture de révolte contre le système et qui font de cela le motif de leur affirmation propre. L’art est mobilisé par le politique de manière à répondre aux besoins des uns et des autres : il y va de l’équilibre mental de la communauté dans on ensemble.
Je crois, avec ces précisions, avoir apporté une réponse à la seconde question qui m’était posée, celle relative à la causalité qui existe entre la centralité du sujet et les formes actuelles de l’expression artistique telles qu’elles s’offrent à notre observation. Il me reste donc la première question… Qui disait ?
Md : La première question évoquait le «territoire du possible» en matière de jugement de beau chez Kant… J’espère que ta réponse fera réapparaître cette notion de vertige qui me paraît jouer un rôle clé dans ton explication, alors que sa présence n’est pas assez explicitée, me semble-t-il.
Ph : Le vertige, on le retrouve dans l’expérience du doute chez Descartes, sous la forme de l’effroi qui s’empare de ce dernier lorsque plus rien n’offre désormais d’assurance quant à sa réalité, si ce n’est celle du moi au moment où il pense : je suis, j’existe… Je suis, j’existe, en tant justement que je pense : je suis, j’existe. Solitude du doute dont Descartes suggère lui-même qu’elle est humainement insupportable et qu’il va pouvoir quitter grâce à la découverte de l’existence, en dehors de lui, de… Dieu ! D’un Dieu qui, en tant qu’il n’est pas trompeur, accorde de son autorité un blanc-seing, un certificat de réalité à toute idée, à toute représentation, pour autant qu’elle est claire et distincte.
Or Kant, lui, ne rompt pas la solitude du doute. Il décline l’issue offerte par l’entrée en scène, providentielle, du Dieu vérace de Descartes. En laquelle il perçoit un risque de perte d’autonomie, de retour de l’autorité du théologique dans l’acte de connaissance. C’est pourquoi il se contentera de nous parler de «phénomènes», en soulignant par là que ces derniers ne désignent pas la chose «en soi», mais seulement sa manifestation «pour moi». Indépendamment donc de la question de son existence réelle, qu’on n’a toujours pas le moyen d’attester…
En un sens, Kant apprivoise le vertige. Il n’est plus effrayé par l’aspect fantomatique du monde tel qu’il se donne dans l’expérience du doute. Ce théâtre d’ombres, il le prend pour ce qu’il est et se contente de ce qui apparaît : des phénomènes. Il y a là un acte d’humilité qui est précisément ce qui va servir de socle à la nouvelle communauté humaine.
L’homme postkantien est un homme qui a fait profession de pauvreté en matière de connaissance. Il a pris acte, pour la dépasser, de «l’illusion métaphysique» de ceux qui, comme Descartes, croient pouvoir statuer sur la chose en soi par leur entendement. Il est l’homme qui, à partir de là, veut fièrement fonder un nouveau monde en lequel il ne serait plus permis de devoir à autre chose que sa raison pure la vérité de ce qui est tenu pour vrai.
En fait, on touche là le deuxième élément par lequel Kant conjure le vertige : c’est le projet de fonder un monde nouveau, une «communauté universelle d’êtres raisonnables», comme il dit. Une sorte d’ordre religieux où la foi en la raison aurait supplanté la croyance en une vérité révélée et dont l’extension serait de cette façon aussi large que celle du territoire habité par des êtres raisonnables…
Mais le vertige est seulement calmé ici : il ne disparaît pas. Et, pour peu que le doute ressurgisse, cette fois au sujet de la viabilité du projet en question, alors le vertige est à nouveau là. Alors les horizons se rétrécissent et nous revenons à la pénombre de l’ego cogito, aux prises avec son monde de phénomènes dont il ne sait pas si ce ne sont pas de simples simulacres qui nous cachent le gouffre du néant.
Alors il lui faut repartir à la conquête d’une lumière que seul le «nous» de la communauté peut lui prodiguer, mais qui a lui-même besoin d’assises pour exister : d’assises juridiques, mais aussi affectives. Et c’est ici que se manifeste l’importance, de mon point de vue, du jugement de beau.
Pour avoir droit de cité au sein de la communauté nouvelle, le jugement de beau ne doit pas se laisser aller à poser en dehors du sujet la réalité de l’objet en lequel on reconnait de la beauté. Il doit garder cette retenue et cette humilité exigées de tous les membres de la communauté.
Dans le même temps, il y a dans le jugement une part d’engagement. C’est pourquoi Kant, parlant dans sa vieillesse des différentes parties de son œuvre, considère que la Critique de la faculté de juger – qui est justement celle qui aborde la question du beau – répond à la question suivante : que m’est-il permis d’espérer ? La beauté est affaire d’espérance. Elle est semblable à un vœu qu’on émet au sujet de quelque chose, dont on pense qu’il pourrait porter le visage de l’harmonie universelle. C’est comme un signe sur le chemin, qui ne prend sens et ne se met à parler que pour autant que nous sommes engagés en vue de créer un monde nouveau. Il y a là ce que certains ont appelé la dimension «inventive et prospective» du jugement de beau.
A vrai dire, cette caractérisation est étrangère à Kant. Elle ne correspond guère à son langage. Lui nous parle du jugement de beau comme d’un jugement de goût, qui exprime du plaisir, mais du plaisir désintéressé, qui peut prétendre par ailleurs à une validité universelle tout en restant subjectif. C’est un jugement, dit-il encore, qui est régulateur et réfléchissant, par opposition au jugement théorique qui est législateur et déterminant…
Voilà à peu près ce que je pourrais dire en réponse aux questions qui m’ont été posées, sachant bien sûr qu’il aurait été possible d’être plus long et plus explicite. Mais je voudrais, avant de nous quitter, dire quelques mots au sujet du «sublime»…
Po : Oui, il me semble que nous avions évoqué ce terme comme indissociable de la question du beau chez Kant.
Ph : En effet. En tout cas il présente un intérêt tout particulier du point de vue de notre propos. Parce que c’est par le thème du sublime que Kant sauve ce qui, dans le beau, échappe au jugement. Et c’est ce dont nous avons parlé quand nous avons évoqué les fois précédentes l’infini du beau. L’expérience du sublime chez Kant correspond justement à celle d’un anéantissement du sujet face au spectacle de quelque chose dont la grandeur ne se laisse pas mesurer, qui est perçu comme le lieu d’une puissance sacrée…
Md : Si je comprends bien, ce que Kant désigne du mot de «sublime», c’est précisément ce qui a fait pour nous le cœur de l’expérience du beau.
Ph : Exactement. Ce qui revient donc à dire que c’est en faisant appel à quelque chose de secondaire dans l’expérience ancienne du beau que Kant bâtit sa propre conception. Faire du beau l’affaire d’un jugement de goût, en rejetant du côté du sublime le «terrible» —au sens où Rilke nous dit que «Tout ange est terrible»—, c’est vider l’expérience du beau de ce qui en faisait une épreuve décisive, une affaire de vie et de mort, de mort et de résurrection.