Terroriste un jour, terroriste toujours : c'est l'axiome martelé par les maîtres es psychologie que sont beaucoup de nos concitoyens qui se piquent d'avoir quelque chose d'intéressant à dire sur la situation actuelle en Syrie. Et n'allez pas leur demander en quoi cet axiome se justifie : ce serait leur faire offense.
Pourtant, il n'est pas si difficile de montrer comment le terroriste d'hier peut s'extirper de son ancien habit pour endosser celui d'une nouvelle forme de combat au service de ce qu'il estime être sa cause sacrée.
Je ne parle pas ici du chef de la rébellion syrienne : l'avenir nous dira ce qu'il en est. Je parle en général. Je parle du combattant qui se trouve engagé dans une guerre asymétrique contre un ennemi incomparablement plus puissant que lui par ses moyens et face auquel il ne trouve pas d'autre recours que celui qui consiste à s'en prendre à ses populations civiles.
Je parle du combattant qui, pour rallier à lui le plus de sympathisants et pour souder leurs rangs face au risque de la défection ou de la trahison, va puiser dans le réservoir de la conscience religieuse pour user du fanatisme comme d'une arme de guerre... Qui a dit que la guerre était sans misère !
Or qu'on m'explique pourquoi ce même combattant, ayant compris que d'autres voies sont possibles qui mènent au même but, devrait rester attaché à ce mode de combat qui est à la fois politiquement très coûteux et souvent très décevant en termes de résultats. Pourquoi, dès lors que s'ouvrent devant lui d'autres perspectives pour l'action, d'autres issues qui conduisent finalement, et de manière plus sûre d'ailleurs, à la réalisation des objectifs qu'il s'est assignés, devrait-il s'obstiner à garder la même posture rebutante ?
Aujourd'hui, il existe un vaste champ d'action qui permet à qui le veut de défendre la cause des pays arabes et de leur héritage culturel et religieux sans recourir aux armes, mais seulement en jouant de la sympathie des populations, aussi bien à l'intérieur du monde arabe qu'à l'extérieur. Plus que cela : on a des raisons de penser que cette action peut aller jusqu'à fragiliser les grandes puissances au cœur de leurs propres systèmes, en mettant le doigt sur leur incapacité foncière à produire ces deux composants essentiels de toute civilisation que sont la justice et la fraternité. Car tel est bien leur talon d'Achille : cette prédisposition, malgré toutes les politiques menées, à retomber dans une forme ou une autre de racisme, comme on le voit à travers le retour en force des mouvements populistes depuis quelques années maintenant.
Appuyer sur cette plaie-là est bien plus éprouvant et plus douloureux pour l'Occident que de chercher à lui faire mal par les armes : ça met en cause son projet globalisant et sa prétention à l'universel !
Que nous soyons en train d'assister à un réveil de la révolution arabe, ou que le pays dans lequel la révolution s'est enlisée soit celui-là même d'où elle reprend vaillamment aujourd'hui son chemin d'épopée, il est sans doute un peu tôt pour le dire. Même si les raisons de le supposer existent.
Il ne me semble toutefois pas sain, intellectuellement, de décider qu'un certain combat du passé ne puisse pas apercevoir dans le monde d'aujourd'hui ce qui est susceptible de le faire évoluer dans la conception de ses propres méthodes, voire dans la définition précise de ses objectifs.
Mais ce qui, en revanche, peut être considéré comme positivement malsain et carrément détestable, c'est cette manie de s'empresser de crier à la régression et à la trahison, et de gober bruyamment tous les mensonges allant dans ce sens au mépris des règles les plus élémentaires de la prudence, afin de faire prévaloir ses propres préjugés concernant tel ou tel combat, alors que la situation ne s'est pas encore décantée.