Aussi loufoque et invraisemblable qu'elle puisse être, la proposition de Trump est un objectif qui explique tout ce qui s'est passé avant : à la fois la guerre elle-même - le fait qu'elle ait été, sinon provoquée en ce fameux 7 octobre, du moins favorisée -, et la façon dont elle a été menée, avec cette option de destruction systématique de tout ce qui est susceptible de faire de Gaza un lieu encore habitable une fois la guerre finie.
Il n'est pas sûr qu'il faille accorder beaucoup de crédit aux voix qui, parmi certains gouvernants arabes, semblent tout d'un coup s'indigner à l'idée d'une évacuation de la population gazaouie. Car il y a dès le départ un accord entre les puissances occidentales d'une part, les pays arabes de l'autre, afin que la résistance palestinienne soit neutralisée, ses figures emblématiques liquidées et, surtout, que le projet d'un renouveau national palestinien soit remplacé par un vaste chantier de promotion immobilière ouvert aux capitaux du monde entier.
Ce qui s'est passé à Gaza, et qui s'y passe encore, c'est la concrétisation d'une sorte de "solution finale" censée libérer le monde arabe de la question palestinienne et, au-delà, de sa posture anti-occidentale et antimoderniste qui entrave son développement. Tout le monde y trouverait son compte.
Ainsi a-t-on pensé dans les têtes des décideurs : à la fois celles d'un Occident soucieux de se protéger du monde arabe et de ses rêves de revanche et celles d'un monde arabe qui, au-delà de l'exemple de la Jordanie et de l'Égypte, a accepté le principe de l'amputation et du sang dans son propre corps, pourvu que soient enfin données les conditions politiques et économiques d'une entrée irréversible dans le club des pays modernes.
Gaza est un laboratoire à l'intérieur duquel la résistance palestinienne, et arabe, est transformée en opportunités d'affaires mêlant des capitaux et des hommes d'horizons divers.
Tout ce qui s'y est produit en fait de pertes humaines, qui se comptent par dizaines de milliers, est à mettre dans la rubrique comptable des frais d'investissement.
Voyons voir ce que cette vaste entreprise va donner, elle qui, pour exister, a besoin de tant de sang et de misère.